dimanche 29 novembre 2015

Purifier les souffles

Les actes violents survenus récemment, leur médiatisation et leur ressassement peuvent amener dans notre esprit beaucoup de troubles et susciter haine, désir de vengeance et angoisse. Il est donc essentiel de protéger notre esprit de ces maux redoutables.
On pourrait s’indigner et se dire : « Mais mon esprit fonctionne très bien ! C’est la situation extérieure qu’il faut changer, rien de plus ! » A cela, deux réponses peuvent être apportées. La première immédiatement compréhensible : nous ne parvenons pas toujours à changer une situation extérieure, par contre nous pouvons toujours transformer notre esprit. Et cela est nécessaire car c’est toujours l’esprit qui fait l’expérience de la joie, du bonheur ou, au contraire, de la souffrance.
L’autre réponse nous est fournie par la loi de cause à effet : tout ce dont nous faisons l’expérience, à chaque instant, est la conséquence de nos actes antérieurs. Si je veux donc faire l’expérience de la joie, du bonheur et de la santé, je dois donc impérativement renoncer aux actes négatifs inspirés par les émotions négatives (la haine, la vengeance, la peur fondée sur l’ignorance…) et accomplir des actes inspirés par l’amour universel et l’aspiration à libérer tous les êtres vivants de leurs difficultés.
Maîtriser notre esprit est donc non seulement nécessaire, mais c’est encore possible. Pour n’aborder que des pratiques proprement laïques*, qui ne nécessitent donc aucun engagement spirituel, le Yoga met à notre disposition des pratiques puissantes et bénéfiques. Ainsi, Nadi shodana, nous permet de purifier les canaux énergétiques. Par ailleurs, la méditation du calme mental nous permet de développer la concentration et de desserrer le nœud coulant que les émotions négatives enserrent autour de notre cou. Enfin, il existe aussi une pratique pour purifier les souffles qui circulent à l’intérieur des canaux subtils.
La circulation des souffles subtils (Vayus) à l’intérieur des canaux (nadis) est en relation étroite avec le fonctionnement de notre esprit. Ils sont mêmes totalement indissociables, tout comme le sont le cavalier (esprit) et sa monture (souffle). Ainsi, en prenant pour support la respiration grossière, on va harmoniser la circulation des souffles subtils dans les deux canaux principaux, Ida et Pingala. Ce faisant, on régule le fonctionnement de notre esprit, ce qui nous permet alors d’accomplir un grand nombre d’actes bénéfiques. Ces derniers génèrent alors des expériences de joie, de bonheur et nous permettent alors d’obtenir une excellente santé.

·         Phase préalable : reconnaître la pleine valeur de cette méditation

La pratique de la purification des souffles possède le double mérite d’être extrêmement simple et puissante.
Cette simplicité comporte toutefois un risque : sous l’emprise de l’ignorance, notre esprit perturbé peut ravaler cette précieuse pratique au rang de simple « truc », de vulgaire « outil pour aller mieux ». On risque alors de pratiquer sans réelle implication, sans ferveur véritable, et de délaisser rapidement cette pratique, un peu comme un enfant qui se serait lassé d’un jouet.
Pour prendre pleinement la mesure de cette méditation il faut en reconnaître pleinement les qualités.
Quant à son contenu, cette méditation repose sur la stabilisation dans notre esprit d’états émotionnels vertueux. Une inspiration élevée donnera nécessairement naissance à de grands bienfaits.
On sait, par ailleurs, qu’il ne s’agit pas du dernier outil de développement à la mode qui disparaîtra aussi rapidement qu’il est apparu. Cette pratique est très ancienne et de très nombreux méditants l’ont mise en œuvre et en ont recueilli de grands réalisations. En s’engageant dans cette pratique on suit donc un chemin extrêmement bien balisé**.
Après avoir généré une grande confiance dans l’exercice même, il s’agit maintenant de se convaincre de notre aptitude à le mener pleinement à son terme. A ce titre, nous possédons toutes les qualités requises : nous disposons d’un corps physique qui fonctionne, et celui-ci est relié à un esprit. Par ailleurs, nous avons généré la motivation appropriée : nous aspirons à nous délivrer de nos difficultés et à contribuer à l’instauration d’une paix universelle.  Donc toutes les conditions sont pleinement remplies pour accomplir fructueusement cette pratique.
Grâce à cette analyse préalable nous sommes parvenus à générer une confiance raisonnée qui nous  prémunit contre deux écueils: l’adhésion aveugle et le scepticisme. Une adhésion spontanée, non réfléchie, serait dépourvue de véritable fondement et donc se révélerait extrêmement fragile et réversible : il suffirait d’entendre un avis critique pour être déstabilisé et changer d’opinion. Inversement, un scepticisme frileux ne ferait qu’amputer la pratique de ses bienfaits.
En ravivant à chaque fois ce processus notre confiance acquerra force et stabilité nécessaires à la mise en œuvre de la pratique.

·         Principes de base

De quoi avons-nous besoin, au plus profond de nous-même, pour vivre ? Cette question essentielle qui oriente pourtant le cours de notre existence nous la perdons parfois de vue et nous entrons alors dans une routine de la vie quotidienne. Les difficiles événements récents nous incitent à faire se retour sur soi et à y répondre.
Nous avons fondamentalement besoin d’amour et de pleine santé. Dans un contexte moins grave, exprimer une telle affirmation pourrait paraître niais, mais pas en ce jour, pas au regard de ce qui s’est passé.
L’amour, à l’opposé de la haine, de la vengeance et de la peur. La pleine santé, la protection de la vie, celle des autres et la sienne, à l’opposé de la mort que l’on donne aux autres et à soi-même.
Maintenant que nous reconnaissons clairement ce qui est le plus précieux, comment l’obtenir ? Cette méditation nous l’enseigne.
L’univers entier est imprégné d’énergie, de Prana. Et cette énergie est particulièrement présente dans l’air. Nous allons donc pouvoir puiser à l’extérieur cette énergie, l’absorber, l’emmagasiner à chaque inspiration.
Par ailleurs, la pensée chevauche le souffle comme le cavalier chevauche sa monture : la conscience et le Prana sont indissociables. Nous allons donc pouvoir associer une pensée bénéfique à notre inspiration, pour donner pleine puissance à celle-là.
Et, ce que nous avons pris, à l’inspiration, nous allons ensuite le transmettre autour de nous à chaque expiration. Car, contrairement à ce que croit notre esprit dualiste, qui sépare arbitrairement « moi » et « les autres », plus je donnerai et plus je recevrai.
Il suffit de pratiquer pour s’en convaincre.

·         Prendre et diffuser l’amour inconditionnel

Installé fermement, le dos bien droit, à chaque inspiration, je puise un sentiment d’amour universel, inconditionnel, et je laisse cette émotion me remplir complètement.
A chaque expiration je diffuse cet amour autour de moi. Je souhaite alors que tous les êtres vivants soient libérés de toutes leurs difficultés et fassent l’expérience d’un bonheur durable. Je le souhaite vraiment de tout cœur. Dans un premier temps, je diffuse cet amour dans un rayon d’action limité, quelques mètres, tout autour de moi. Puis, j’élargirai progressivement le champ de mon action en veillant à n’exclure aucun être vivant.
Parfois notre esprit se trouve tellement perturbé qu’il ne nous est plus possible de générer spontanément ce sentiment d’amour. Nous pouvons alors puiser dans notre mémoire. Peut-être avons-nous vu un beau film où de nobles sentiments se trouvaient exprimés, et cela nous a ému. Sans doute avons-nous déjà éprouvé un amour authentique pour un autre être vivant. Cet événement a laissé une trace (vasana) dans notre esprit et nous pouvons la faire resurgir, la régénérer.
Il est souhaitable de porter cette émotion à incandescence. Bien sûr, au départ, ce ne sera sans doute qu’un tison. Mais après quelques respirations cette braise sera devenue un foyer puissant qui irradiera tout autour de nous, produisant des effets puissants.
Au bout d’une minute je sens que la pratique agit en moi favorablement. En poursuivant, je me sens de mieux en mieux et je parviens à stabiliser cet état d’humeur. Toute ma journée se trouve ainsi modifiée. En m’entrainant régulièrement, je parviendrai à contrecarrer l’installation d’états mentaux négatifs dans mon esprit.
Cette pratique s’avère particulièrement utile dans un environnement troublé où l’esprit des personnes est plus facilement en proie à l’inquiétude et aux errements. Aussi, en protégeant par cette méditation notre esprit nous serons mieux à même d’aider les autres êtres.

·         Prendre et diffuser la pleine santé

Il est possible d’accomplir la première pratique seule. Mais on peut aussi la compléter par la seconde. Pourquoi un tel ordre ? Parce que l’amour constitue la base d’une excellente santé.
Pour générer cet excellent état de santé, il est possible de s’aider en visualisant des rayons de lumière. Ils entrent en nous à l’inspiration et nous imaginons qu’ils nous soignent. A l’expiration, nous visualisons que des rayons de lumière sortent de nos narines et se dirigent vers les autres êtres pour les apaiser et les soigner complètement.
Il est possible d’enrichir cette pratique en visualisant des rayons de lumière de couleurs différents qui correspondent aux 5 éléments qui composent le monde matériel : Feu, Eau, Terre, Air, Espace ***. En effet, selon la médecine traditionnelle, lorsque ces éléments sont en harmonie dans le corps, alors la personne expérimente un état d’excellente santé, tandis qu’un déséquilibre persistant conduit à l’apparition d’une pathologie.

conclusion

Ainsi, les sombres événements récents nous éperonnent et nous incitent à nous tourner vers la lumière pour la faire rayonner autour de nous.
La purification des souffles exposée ci-dessus nous donne un moyen pour réaliser pleinement le potentiel que chaque être vivant recèle en soi.
On veillera à ne pas pratiquer de façon distraite, ou routinière, et on générera un grand enthousiasme, une réelle ferveur afin de recueillir pleinement les bienfaits de cette pratique. Aussi, la phase préalable qui consiste à faire mûrir l’esprit et à reconnaître l’importance de cette méditation est essentielle.
Dans une séance de Yoga cette purification des souffles pourra harmonieusement prendre place après le nettoyage des canaux (Nadi Shodana), avant d’aborder la Salutation au Soleil (Surya Namaskar)****.
Christian Ledain
professeur de Hatha Yoga, Maître initiateur de Reiki

NOTES

* Il existe, bien sûr, à côté de ces pratiques laïques d’autres pratiques qui nécessitent la dévotion envers un maître spirituel (Gourou), ainsi que le respect de rituels intégrant la récitation de mantras, l’accomplissement de gestes codifiés (mudras), ainsi que des visualisations mentales nécessitant une grande concentration. La nature et le contenu de ces pratiques varie alors selon la voie spirituelle retenue par l’adepte du Yoga (hindouisme, bouddhisme ou jaïnisme).

**La pratique ici décrite sert d’ailleurs de base à un exercice de sophrologie très utilisé pour mener à bien un projet personnel ou professionnel. Il consiste à se projeter mentalement dans la réussite.


***Le corps physique, grossier (sthula sharira), est composé de 5 éléments (pancha bhuta) qui servent à constituer tout phénomène matériel : Feu (tejas), Eau (ap), Terre (prithvi), Air (vayu), Espace (akasha). Les phénomènes naturels que nous connaissons sous la désignation feu, eau, terre, air et espace sont des agencements particuliers de ces différents éléments, selon des proportions variables. Ainsi l’élément Eau composera de façon prépondérante tous les liquides qui circulent dans le corps (sang, lymphe, urine). L’élément Terre participera de façon prioritaire à constitution de tout ce qui structure, charpente le corps humain et en assure la solidité : les os, les vertèbres, les cartilages, les réseaux nerveux et sanguins. L’élément Vent sera majoritairement présent dans tout ce qui est gazeux à l’intérieur du corps et sera présent dans les poumons et les intestins. L’élément Feu se manifestera tout spécialement dans la production de la chaleur corporelle et dans le feu digestif. Enfin, l’Espace est enfin présent est omniprésent dans le corps et permet à toutes les phénomènes de se manifester. (cf. Hatha-Yoga-Pradipika, introduction de Tara Michael, p71). 

**** Voir nos articles concernant ces deux pratiques

samedi 20 juin 2015

mouvements oculaires


Je voudrais vous présenter certains exercices parfois regroupés sous l’appellation de «  Yoga des yeux ». Une telle dénomination est, en réalité, trompeuse : elle laisse entendre qu’il serait possible de pratiquer le Yoga en dissociant complètement telle partie du corps - les yeux - du reste de la personne. Or, il n’existe pas plus de yoga des yeux qu’il n’y a de Yoga des pieds, des bras ou du ventre !

On ne saurait pas non plus parler à propos de ces exercices de « gymnastique oculaire » car se serait en restreindre considérablement la portée.

Le Hatha Yoga ne vise pas à découper le corps en tranches semblables aux rondelles d'un saucisson. Cette discipline se propose de révéler l’unité fondamentale de la personne humaine en allant au-delà des mécanismes mentaux erronés qui cloisonnent, séparent et finissent par ruiner notre harmonie intérieure. Cette unité de l’être procède de l’interrelation constante de toutes les parties de notre corps, non seulement entre elles, mais aussi avec notre souffle et avec notre esprit.

Bien sûr, en raison des aléas de notre vie, il peut être nécessaire, à un moment donné, de solliciter plus spécifiquement telle ou telle région de notre corps. Ainsi, sera-t-il indispensable, après un accident de voiture, de pratiquer une gymnastique rééducative centrée sur la mobilisation des jambes. Mais on ne saurait, dans cette circonstance, parler de Yoga car l’esprit et la finalité de notre discipline sont tout autres.

Ni "Yoga des yeux", ni "gymnastique oculaire", nous désignerons les exercices suivant sous l’appellation de « mouvements oculaires ».

A l’intérieur du Hatha Yoga, les mouvements oculaires doivent être différenciés des drishti. Le terme drishti signifie « regard » en sanskrit et sert plus particulièrement à désigner les points de focalisation qui sont utilisés dans certaines postures. Ainsi, dans Trikonasana, la posture du triangle, une main repose au sol entre les deux jambes tendues tandis que l’on regarde intensément l’autre main dirigée vers le plafond. Dans les drishtis le mouvement des yeux est suspendu, le regard devient immobile, ce qui n’est pas le cas pour les exercices que nous allons décrire.

La mise en œuvre de ces pratiques oculaires est devenue aujourd’hui très importante en raison de la transformation de notre société et de notre mode de vie. En effet, le développement considérable des technologies nous amène à poser de plus en plus souvent le regard sur des écrans. Que cela soit durant le temps de travail, ou au cours de nos loisirs, nos yeux sont maintes fois exposés à des écrans d’ordinateur, des consoles de jeux, des téléviseurs, ou autres tablettes. Devant tous ces écrans notre regard se fatigue car il émane d’eux un rayonnement magnétique intense. Ainsi, nos yeux se reposent-t-ils de moins en moins souvent, ce qui occasionne fatigue, tension, maux de tête, perte d’énergie, et finalement affaissement de notre état de santé général. Aussi les exercices que nous décrivons vont considérablement aider à soulager ces maux. Mais leurs bienfaits sont beaucoup plus larges encore.

L’importance de la région oculaire est trop souvent restreinte, limitée à la capacité de voir. En fait, nos yeux nous exposent, nous révèlent au monde extérieur, tout autant qu’ils nous permettent de percevoir ce monde extérieur. On connait ainsi quelqu’un en le regardant droit dans les yeux, et en lisant les pensées qui l’animent. Le regard permet aussi d’agir: un regard mal intentionné peut blesser aussi surement qu’une flèche empoisonnée, tandis qu’un regard bienveillant apaise; et les personnes qui, parmi vous, pratiquent les soins énergétiques savent bien qu’il est possible de soigner par le regard, lequel devient ainsi le vecteur de l’énergie de guérison.

C’est donc avec une vue extrêmement large qu’il convient d’aborder les exercices qui sont ici présentés. Leur mise en œuvre régulière favorise une belle expression de soi, permet de manifester une présence assurée, une volonté ferme dans le champ des relations sociales, et de développer notre capacité à soigner.

Bien sûr, les personnes qui connaissent quelques difficultés avec leurs yeux (myopie, astigmatisme, hypermétropie….) puiseront dans ce problème une source de motivation supplémentaire. Il a, en effet, été constaté que les pratiques oculaires freinent considérablement l’aggravation de ces défauts, et peuvent même améliorer considérablement la situation. Ainsi, plusieurs personnes myopes ont pu « récupérer » quelques dioptries grâce à la pratique régulière de ces exercices et elles durent même changer leurs lunettes pour disposer de verres moins épais ! Evidemment, ces exercices ont aussi des vertus préventives et des personnes disposant d’une excellente vue pourront ainsi mieux la préserver.

1   1.   Recommandations générales

A l’occasion des exercices décrits ci-dessous, la région oculaire se trouve particulièrement sollicitée. Aussi, veille-t-on à prendre conscience de ce qui se passe à l’arrière des yeux, en percevant avec la plus grande finesse possible la contraction des muscles oculaires. Par ailleurs, les déplacements du regard doivent être accomplis pleinement, avec la plus grande amplitude possible afin que la mobilisation musculaire soit entière.

Quand le regard se repose, entre deux exercices, le pratiquant est réceptif à cette sensation agréable et la savoure pleinement.

Mais, notre corps formant un tout, nous veillerons à ne pas limiter le champ de notre attention à la seule région oculaire. L’esprit spacieux, ouvert à tout ce qui se présente, nous prendrons aussi conscience des modifications qui surviennent au niveau de toute notre tête, puis dans tout notre corps, et on accueillera les transformations qui s’élèvent dans notre esprit.

Tous les exercices se pratiquent en posture dite méditative : vous êtes en position assise, le dos bien droit, la cage thoracique ouverte, les mains reposant sur les genoux, le menton légèrement repoussé en arrière, la nuque bien étirée, la tête droite. Il est, bien sûr, possible de pratiquer assis sur une chaise.

Pour s’aider, on peut se servir au départ d'une main, en plaçant le regard sur le sommet de l’index. Mais, dès que le principe de l’exercice est compris, on peut laisser cette main au repos sur le genou.

          2.    La contraction rythmée des muscles oculaires

Le regard placé à l’horizontale, à l’occasion d’une longue inspiration, vous ouvrez très largement les yeux. Les yeux doivent être véritablement écarquillés sans rien regarder en particulier. Puis, sur une longue expiration, vous fermez les yeux, le plus fortement possible, en veillant à ne crisper aucune autre région du corps : gardez les mâchoires desserrées, les épaules relâchées. C’est une tendance naturelle que nous avons tous : étant bien appliqués, soucieux de bien faire, nous en faisons parfois trop. Ainsi, en ne voulant contracter qu’un muscle, est-on tenté de tétaniser toute une région. Il importe donc d’être vigilant et de ne mobiliser que les seuls muscles oculaires en laissant tous les autres se reposer pleinement.

Faites cet exercice trois à cinq fois de suite, puis laissez votre regard se reposer, les paupières closes.

        3.  Le déplacement linéaire en profondeur devant soi

Le principe est très simple : Il s’agit de déplacer le regard, rivé sur un point qui s’éloigne, puis se rapproche de soi.
A l'inspiration, l'index se rapproche du nez; à l'expiration, il s'en éloigne
Cet exercice met en œuvre la capacité d’accommodation du regard, c’est-à-dire la mise au point effectuée par les yeux pour leur permettre de regarder à des distances différentes.

Ce mouvement oculaire combine deux Drishtis : Maddya qui consiste à fixer un point dans l'espace devant soi, et Nasagra qui amène à loucher en regardant le bout de son nez.

Comme il est très difficile de procéder à cette accommodation de l’œil sans le secours d’un support visuel, on va s’aider de la main droite. Mais, si on est très concentré, on pourra s’en abstenir.

On tend ainsi le bras droit devant soi, l’index vertical. On fixe du regard la partie supérieure de l’index. Le regard restera accroché à ce point durant tout le temps de la pratique. Sur une longue inspiration, l’index se rapproche lentement du nez, ce qui nous amène à loucher progressivement. Puis, à l’expiration, l’index s’éloigne du nez. On veille particulièrement à n’accélérer ni le rythme respiratoire, ni le déplacement de la main. Au bout de quelques mouvements, des picotements apparaitront, peut-être, au niveau des yeux. Dans ce cas, on prendra tranquillement conscience de leur existence, sans pour autant interrompre l’exercice. Pourquoi une telle attitude ? Parce que ces manifestations indiquent tout d’abord que « cela » travaille correctement. Ensuite, parce que cette attitude nous permet de sortir du cycle délétère dans lequel nous sommes pris inconsciemment : l’action, suivie de la réaction automatique. Donc, on se contentera d’identifier ces picotements sans en être affecté, sans vouloir les chasser, et on les laissera simplement passer.

Faites cet exercice trois à cinq fois de suite, puis laissez votre regard se reposer, les paupières closes

Comme le regard est en mouvement, cette pratique ne saurait être confondue avec Trataka ou avec Shambavi mudra qui supposent la fixité du regard sur un point immobile.

      4.    le déplacement horizontal

1 A l'inspiration, déplacez le regard vers la droite
2 A l'expiration , ramenez le regard au centre
3 A l'inspiration, déplacez le regard vers la gauche
4 A l'expiration, ramenez le regard au centre
Le déplacement oculaire suivant combine deux autres drishtis : Dakshina qui porte le regard au maximum vers la droite et Vama qui consiste à effectuer la même chose vers la gauche.

Commencez par placer votre regard à l’horizontale. Puis, sur une lente inspiration, laissez vos yeux se déplacer lentement et régulièrement vers la droite, le plus loin possible. A l’expiration, ramenez doucement le regard au centre. Puis, sur l’inspiration suivante, déplacez votre regard  tranquillement vers la gauche, en poussant celui-ci à l’extrême. Enfin, lors de l’expiration suivante, ramenez votre regard au centre.

Réalisez cet exercice trois à cinq fois de suite, puis laissez votre regard se reposer, les paupières closes.

Si c’est nécessaire, durant une phase d’apprentissage, on peut s’aider en tendant le bras droit devant soi et en suivant du regard le déplacement de la main. Mais, très rapidement, on pourra s’en dispenser.

5      5.   Le déplacement vertical

Sur une lente inspiration, faites se déplacer vos yeux lentement vers le zénith, en montant le plus haut possible. Puis, à l’expiration, ramenez tranquillement le regard à l’horizontale. Sur l’inspiration suivante, déplacez votre regard vers le nadir, en le descendant le plus bas possible. Puis, à l’expiration suivante, ramenez-le à l’horizontale.

1 A l'inspiration, montez le regard au maximum
2 A l'expiration, ramenez le regard au centre
3 A l'inspiration, abaissez le regard au maximum
4 A l'expiration, ramenez le regard au centre
Réalisez cet exercice trois à cinq fois de suite, puis laissez votre regard se reposer, les paupières closes.

 6.       La rotation du regard

Le principe de ce déplacement circulaire est très simple : imaginez que vous soyez face au cadran d’une immense pendule et que vous suiviez du regard le déplacement progressif de la trotteuse. Votre regard décrit ainsi un très large cercle dans le sens des aiguilles d’une montre. Votre tête, bien droite, ne doit absolument pas se déplacer durant le temps de la pratique : seuls les yeux bougent.

Le regard se déplace lentement comme si on suivait le déplacement d'une trotteuse
Concrètement, commencez par diriger votre regard vers le haut. Durant une expiration, vos yeux descendent en se déplaçant le long de la circonférence du cercle que vous tracez mentalement. Quand vos poumons sont vides, votre regard est parvenu au nadir. Il amorce alors, sur une inspiration, une remontée vers la gauche, toujours en décrivant un très large cercle.

Vous effectuez 3 rotations du regard dans le sens des aiguilles d’une montre. Puis vous accomplissez trois rotations dans le sens inverse. Enfin, vous alternez : décrivez un cercle vers la droite, puis un cercle vers la gauche, cela trois fois de suite.

Veillez particulièrement à ce que la rotation du regard se fasse tranquillement, sans aucune précipitation, en prenant appui sur une respiration posée et régulée : à l’expiration, le regard descend, à l’inspiration, il remonte.  ;

L’attention ne se disperse pas : durant la rotation du regard, on ne prête attention à rien de ce que l’on voit : on est concentré sur la sensation de la mobilisation des muscles à l’arrière des globes oculaires.

Quand vous avez terminé, laissez votre regard se reposer, se détendre, les paupières closes pendant quelques instants. Et toujours, soyez à l’écoute de vos sensations. L’esprit ouvert, disponible pour accueillir toutes les manifestations qui se présentent.

7.       Déplacement oculaire avec pression sur les yeux

      Placez le bas de vos paumes sur vos paupières closes et exercez-y une pression. Attention, il convient d’être précis : ce n’est pas le centre des paumes qu’il convient de placer devant les yeux, mais la partie inférieure de la main, osseuse. Cette pression doit combiner douceur et fermeté. Elle ne doit donc être ni violente, ni imperceptible.

Pendant ce temps, veillez à ne crisper aucune partie du corps, notamment les épaules, les mâchoires et les doigts des mains. Car c’est une tendance largement partagée : quand on est très appliqué, soucieux de faire au mieux, on est tenté d’en rajouter dans l’effort, et on parvient alors à tout tétaniser.

Tout en maintenant la pression constante avec les mains, commencez à effectuer un déplacement oculaire :  regardez tout d’abord, le plus possible vers le haut, puis le plus possible vers le bas, ensuite le plus loin possible vers la droite, enfin le plus loin possible vers la gauche. Tandis que vos yeux se déplacent sous vos paupières, vous sentez que la forme de l’œil n’est pas exactement ronde. Vous effectuez trois fois ce mouvement, puis vous inventez vous-même votre propre parcours.

Durant cette pratique, le rythme du déplacement oculaire et celui de la respiration doivent être maitrisés. Ceci est très important. En effet, dans notre vie quotidienne, nous nous centrons sur nos activités et oublions totalement notre respiration qui s’adapte ainsi involontairement au rythme de notre action. Dans cet exercice, nous pourrions, à tort, être tentés d’effectuer des mouvements oculaires rapides et de laisser ainsi notre souffle « courir » après nos déplacements oculaires. Il en découlerait très rapidement de l’agitation mentale. Voilà pourquoi la maitrise de la respiration et le maintien de mouvements oculaires lents sont si importants.

CONCLUSION

Il n’est pas fait référence à ces pratiques dans les textes ancestraux, tels que les Yoga Sutra, le Hatha Yoga Pradipika, ou les Upanishads qui exposent les pratiques fondamentales du Yoga. Cependant, ces exercices n’en méritent pas moins d’être intégrés à une séance de Hatha Yoga contemporaine, et ceci pour plusieurs raisons.

Inspirés des Drishtis, les points de concentration du regard, ces exercices correspondent aux besoins d’une population moderne exposée aux écrans. Par ailleurs, leur mise en œuvre s’effectue dans le respect des principes fondamentaux du Yoga : ces techniques oculaires doivent être accomplies dans une posture appropriée, avec une respiration épanouie et une activité mentale régulée.

Le Hatha Yoga est une discipline vivante et non un monument du passé : il est fondamentalement une voie de libération de l’être qui prend en compte l’évolution du monde dans lequel l’être humain se situe.

Aussi, la mise en œuvre régulière des mouvements oculaires, à raison de 10 minutes, vous permettra de vous reposer, vous régénérer, rétablir un excellent état de santé et trouver une paix intérieure à laquelle nous aspirons tous.

Christian Ledain

jeudi 7 mai 2015

début de la pratique du calme mental


Bonjour à tous,
A partir de cette semaine nous commençons véritablement la pratique de la méditation du calme mental (Shamata).
Pour rappel : s'installer en posture méditative, le dos parfaitement droit et placer la concentration à l'entrée des narines : on suit le va et vient de l'air en ne prêtant attention à rien d'autre.
De nombreuses difficultés trouvent un grand soulagement grâce à cette pratique : nervosité, anxiété, stress, irritabilité...De très grandes réalisations peuvent, en outre, être obtenues par cette méditation.
Nous allons progresser tranquillement au fil des semaines : chaque jour pratiquer cette méditation durant 5 minutes. La semaine prochaine, nous passerons à 6 minutes, et ainsi de suite jusqu'à obtenir une pratique véritablement consistante.
Même si nous avons un emploi du temps de chef d'Etat nous pouvons trouver 5 minutes. Le président Obama prend bien une heure chaque jour pour jouer au basket, nous pouvons bien prendre 5 minutes pour prendre soin de notre esprit et développer ses capacités !
La constance dans la pratique est absolument fondamentale. Ainsi, pratiquez où vous voulez, quand vous le voulez, mais chaque jour.
Je propose cette pratique méditative à toutes les personnes participant aux cours que j'anime afin de créer un effet d'entrainement puissant. Je m'engage, de mon coté, à effectuer cette pratique chaque jour, et même à faire durer cette pratique un peu plus longtemps. De cette façon, si vous le faites, nous serons au moins deux !
En vous engageant dans cette pratique c'est un très beau cadeau que vous faites à vous-même, ainsi qu'aux autres êtres : votre esprit deviendra bientôt plus stable, plus paisible et plus puissant. Parfois on a du mal à faire des choses bonnes pour soi, mais si on pense au bien qu'on peut faire aux êtres qui nous sont chers on va alors trouver une motivation inébranlable. Apaiser son esprit c'est aussi, modestement mais surement, concourir à la paix dans le monde.
Je vous souhaite une excellente journée
Christian Ledain
professeur de Hatha Yoga, Maître de Reiki

mardi 24 mars 2015

Réduire les émotions négatives – développer les émotions positives


Quand on commence la pratique du Yoga on met en œuvre un certain nombre d’exercices physiques, on fait bouger son corps, on découvre la respiration correcte. On installe aussi une hygiène de vie en prêtant attention à ce que l’on mange, en restreignant sa consommation de cigarettes et d’alcool. De façon générale, on prend ainsi mieux soin de son corps. Et on constate effectivement une amélioration de notre état de santé, on dort mieux, on diminue son niveau de stress. Tout cela est excellent et correspond au premier niveau de la pratique.

Mais on découvre que tous nos problèmes ne sont pas réglés pour autant. Grâce à l’écoute de soi qu’on a développée, on perçoit mieux les difficultés qui assaillent parfois notre esprit : tensions mentales, stress, abattement, mal-être, agitation ou encore irritabilité. On prend ainsi conscience que notre esprit est la proie d’émotions puissantes, incontrôlées qui s’emparent de nous et nous poussent à générer des pensées déplaisantes, à proférer des paroles inadaptées, à agir de façon nuisible pour soi et autrui. La plupart du temps notre malaise est diffus, imprécis : on ne se sent pas très bien, sans trop savoir pourquoi, ni surtout comment en sortir.

Se pourrait-il que le Yoga puisse nous aider ? En tout cas, il le prétend puisqu’il affirme pouvoir nous libérer de toutes nos difficultés[1]. Le Yoga énonce même que lorsque l’esprit se trouve totalement purifié de ses poisons, la personne se trouve alors totalement délivrée et n’est plus soumise au cycle des renaissances. 

Pour le moment, nous n’en sommes certes pas là ! Mais, si nous parvenions déjà à diminuer nos problèmes intérieurs, nous pourrions considérer que nous avons considérablement progressé dans la voie du Yoga.

1.       Reconnaitre notre part de responsabilité dans nos difficultés

Nous aimerions croire que nos problèmes viennent de l’extérieur, et plus particulièrement des autres. Nous sommes tentés de nous dire : « Ah, je serais tellement heureux si ….je n’avais pas tel collègue de travail ronchon…, tel conjoint si peu compréhensif…, tel employeur si exigeant,… tel voisin si bruyant et mal embouché…. » Nous cherchons à imputer à autrui la responsabilité de nos difficultés. Ce faisant, nous nous déresponsabilisons, transférons le pouvoir à autrui et nous ôtons, par là-même, la possibilité d’améliorer les choses.

Un autre extrême consisterait à croire que nous sommes responsables de tout ce qui ne va pas sur terre, que tout est de notre faute, nous attribuant ainsi un pouvoir démiurgique.

Le Yoga nous apprend que nous ne pouvons pas toujours changer ce qui se passe autour de nous. Par contre, notre réaction face à ces évènements nous appartient en propre[2]. Aussi, la modification de notre esprit constitue le levier qui va nous permettre d’agir et de dénouer les conflits.

La régulation de notre activité mentale constitue le champ propre de la méditation. Et ce travail sur l’esprit constitue le deuxième niveau de la pratique.

Le Yoga propose ainsi de développer la stabilité intérieure et la concentration au moyen de la méditation dite « du calme mental » (Shamata, en sanskrit [3]). Il nous enseigne aussi à mettre à distance les émotions négatives et à générer les émotions positives, ce que l’on appelle intégrer les émotions dans la pratique du Yoga.

2.       Connaitre nos véritables ennemis pour les combattre

Nos émotions négatives constituent nos pires ennemis. L’être le plus maléfique ne pourrait, au pire, que nous ôter cette vie-ci. Les Yogis, qui croient en la réincarnation, considèrent que non seulement les émotions négatives vont nous empoisonner cette existence-ci, mais, étant la cause d’actes négatifs, vont compromettre pour longtemps nos renaissances futures.

Si nous doutons de la réincarnation, au moins, sommes-nous convaincus de l’existence du présent, et pouvons-nous décider d’extirper ces poisons qui compromettent si funestement notre bonheur actuel et celui des autres.

Le mécanisme qui relie les émotions négatives et la souffrance est très simple : quand nous générons une émotion négative dans notre esprit, celui-ci prend soudain une nouvelle orientation. Nous sommes alors tout près d’accomplir des actes négatifs, ceux du corps, de la parole et de l’esprit. Ces actions, une fois accomplies, laissent une trace, une empreinte, dans notre esprit. Et nous subirons immanquablement la rétribution de ces actes négatifs sous forme de souffrance, malaise, frustration, douleur, maladie physique ou mentale. Par contre, si nous nous abstenons de générer ces émotions négatives et que, mieux encore, nous produisons des émotions positives dans notre esprit, nous en recueillerons inévitablement des conséquences favorables : sensation de soulagement, de contentement, d’épanouissement, de plénitude, de joie, de sérénité, de bonheur. Ce processus appelé loi du Karma (voir notre article sur ce thème), se produit inévitablement, et la seule chose que nous ignorons est le moment précis où, l’acte étant parvenu à maturité, engendrera ses effets.

Quels sont donc ces ennemis intimes qui imprègnent notre esprit ? Ils nous sont tellement proches, tellement intimes et familiers, que nous ne parvenons pas toujours spontanément à les identifier.

Il s’agit de la haine, la colère ruminée, la jalousie, l’orgueil, l’attachement, l’avarice, l’ignorance. Ces travers sont dénoncés par maintes traditions, mais la pensée indienne attire notre attention sur eux de façon tout à fait particulière : il ne s’agit pas de nous interdire quoi que ce soit, mais seulement de nous informer avec bienveillance : « Si vous faites ceci, alors telle conséquence en résultera nécessairement. Maintenant, à vous de choisir ! »

Cette approche fondée sur le recours à l’intelligence et sur la reconnaissance de notre liberté, peut ne pas convenir à tout le monde car elle nécessite une certaine maturité psychologique. Des personnes ayant du mal à se contrôler compteront plutôt sur une autorité extérieure pour leur mettre des limites, tout comme on dira simplement à un enfant en bas âge: « Ne touche pas au verre qui est sur la table ! » parce qu’il n’est pas en mesure de se refreiner si on lui explique : « Si tu prends ce verre et le lâche, il tombera, se brisera et tu te blesseras le pied en marchant dessus ! »

Prendre conscience des émotions négatives, de leur influence néfaste sur notre comportement, ne nous fait pas plaisir car cela heurte l’idée que l’on se fait de soi. Et l’on aimerait vouloir faire le tri parmi elles et se dire : « Bon, celle-ci, je veux bien la reconnaitre, à la rigueur ! Mais celle-là m’est totalement étrangère ! » En réalité, chacune d’entre elles nous concerne individuellement, personnellement. Sans cela, nous ne pourrions pas comprendre un seul roman, un seul film, une seule conversation ordinaire. On ne pourrait simplement pas nouer de relations humaines, et nous ne comprendrions rien à la marche du monde. Nous serions comme des Marsiens qui scruteraient la Terre en se demandant: « Mais, bon sang ! que peuvent-ils bien fabriquer ?! » Ignorer l’une de ces émotions négatives, feindre de n’être pas concerné par elle, serait une façon adroite de ne pas vouloir s’en libérer vraiment et de la garder secrètement enfouie en soi.

Chaque émotion négative nous concerne à des degrés divers, et nous atteint dans des circonstances bien particulières. Ainsi, tel homme n’ira pas jusqu’à étrangler sa femme, contrairement à Othello, mais se renfrognera tout de même si un voisin fait la bise à sa conjointe, trouvant sa propre réaction tout à fait « normale ». Par contre, le même homme jugera « grotesque » que tel écrivain puisse jalouser tel autre qui vient d’obtenir le prix Nobel de littérature, simplement parce que les livres le touchent assez peu. Chaque émotion négative semble en fait nous attraper de façon personnelle par le pan de notre habit et si nous nous amusons des circonstances qui déclenchent la jalousie dans l’esprit de notre voisin, il rirait bien de connaitre celles pour lesquelles la notre éclate!

3.       Générer volontairement une émotion négative, c’est déjà méditer

Habituellement, nous ne faisons pas grand effort pour générer une émotion négative : elle se présente à nous, déboule sans crier gare, bouleverse notre corps et notre esprit, provoquant rougeur, transpiration, accélération cardiaque... Rarement nous nous disons : « Tiens, unetelle porte un merveilleux bijou ce matin : je décide donc de générer de la jalousie sur le champ ! ».

Pourtant, ce n’est pas que mon esprit soit extérieur à l’irruption de cette émotion, loin de là. En fait, cela fait tellement de mois, et même d’années, que je laisse le champ libre à ce poison, qu’il se fraye maintenant un chemin dans mon esprit avec une facilité, une aisance déconcertante.

Si j’ai le courage, l’honnêteté de reconnaitre comment les choses prennent naissance dans mon esprit, sous l’effet de l’habitude, cette « seconde nature », je suis tout près de me libérer de l’emprise de ces émotions négatives.

Voilà le chemin que propose la méditation et il n’est pas de plus belle et de plus riche aventure que je puisse mener.

Commençons par générer une émotion négative dans notre esprit car c’est la première étape pour parvenir à le maitriser et à le transformer. Je peux choisir l’une de celles que nous avons citées. Prenons la jalousie, à titre d’exemple. Je sais de quoi il retourne, je connais bien cette émotion. Mais il ne s’agit pas ici de réfléchir à la jalousie, de penser à elle, de l’envisager abstraitement : il importe de la ressentir véritablement, de la faire passer de mon esprit à mon cœur, ce qui, dit le proverbe, constitue le plus long des chemins !

Pour y parvenir, j’imagine une situation dans laquelle je serais susceptible de me sentir jaloux. Par exemple, si je suis un homme, je me représente un très beau 4X4, rutilant, vrombissant, le modèle que je rêverais de posséder… Mais peut être qu’un tel exemple vous parle peu et vous laisse froid. Choisissez-en donc un meilleur, un qui vous touche véritablement, personnellement !…Laissez cela venir à vous…. Et si vous êtes une femme, imaginez peut être que vous croisez une très belle demoiselle, éclatante de jeunesse et parée d’un merveilleux collier de diamants, valant plusieurs millions d’euros, un collier tel que vous ne pourrez jamais vous en offrir un... Là encore, si vous n’êtes pas sensible à cet exemple, trouvez-en un meilleur qui vous touche secrètement…Il importe que cette représentation mentale ait le maximum de réalisme, de couleur afin de la percevoir comme pleinement authentique.

Et si votre imagination est en panne, manque de fertilité, faites resurgir un lointain souvenir des profondeurs de votre mémoire. Il y a bien des années, votre petit frère reçut pour Noel le train électrique que vous convoitiez, …ou votre meilleure amie s’est vue offrir la poupée de vos rêves, celle que vous désiriez, précisément, et qu’on ne vous a jamais donnée….Souvenez-vous, l’émotion est là, toute proche….

On pourrait se dire : « tout cela n’a rien de concret, de matériel : ce n’est que pure imagination et, donc, n’existe pas vraiment ». Cet argument n’a que peu de valeur car c’est toujours notre esprit qui fait l’expérience de tous les phénomènes auxquels nous nous trouvons confrontés.

Donc, félicitez-vous de votre courage, n’ayez pas d’hésitation, allez-y franchement ! Vous êtes engagé dans un travail méditatif, profond, puissant… Et plus l’émotion surgira forte, vivante, et plus l’expérience sera pour vous instructive et libératrice.

Maintenant que vous avez généré cette émotion, vous lui laissez vraiment de la place, vous la laissez pleinement s’épanouir en vous, afin qu’elle vous remplisse complètement….

Prenez alors quelques secondes pour sentir vraiment ce qui se passe en vous…. Sentir la modification de votre humeur, de votre état mental. …Percevoir comment vous vous sentez intérieurement : êtes-vous heureux, épanoui, détendu, ouvert, joyeux ? Ou, au contraire, vous sentez vous insidieusement mal, appauvri, diminué ? …Et dans votre corps, au niveau du cœur, ressentez-vous un élargissement, une ouverture, ou tout au contraire un repli sur soi, une sensation d’étroitesse, d’oppression, une fermeture…. Est-ce que vos lèvres se pincent, et que l’expression de votre visage change, s’enlaidit ? Prenez le temps de sentir vraiment ce qui se passe en vous…, ce qui se passe pour vous…. Sans doute, faites-vous l’expérience de quelque chose de désagréable tandis que vous êtes sous l’emprise de la jalousie. Il ne peut pas en être autrement : ce malaise est immédiat, instantané car il est inhérent à la nature même de cette émotion.

Si on prend le temps de ressentir précisément, on perçoit qu’on se sent mal non seulement parce que l’on a soif de s’approprier ce que l’autre personne possède (une voiture, un bijou, la jeunesse, la beauté …), mais on est enclin à nuire à cette personne : on pourrait facilement lui dérober son bijou, souhaiter qu’elle ne puisse pas profiter de son éclatante beauté, telle la méchante Reine dans Blanche Neige, ou médire du possesseur de ce 4x4 que l’on convoite. Voilà pourquoi la jalousie constitue un poison aussi redoutable que la morsure d’un serpent venimeux : elle combine possessivité et malveillance. Et si nous cédons à cette tentation délétère, à cette envie de nuire, nous allons commettre des actes négatifs causes de grandes souffrances pour autrui et pour nous même. Car il n’y a pas de jaloux heureux, chacun de nous, au fond, le sait bien !

Quand on a pleinement perçu le malaise qui s’élève en nous dès que nous générons la jalousie, on ne peut que ressentir une sensation de profond dégout à l’égard de cette émotion. On se dit alors : « il n‘est pas possible que je laisse cette émotion prospérer en mon esprit, que j’y cède un seul instant. Ce n’est pas digne. » Cette révolte intérieure nous donne alors la force de nous abstenir de cette émotion noire et de mettre en œuvre l’antidote qui va nous permettre d’être heureux.

4.       Générer l’émotion positive, le remède souverain

Pour chaque émotion négative, pour chaque poison de l’esprit, existe un remède. Et il est nécessaire de le connaitre, tout aussi surement qu’un médecin doit pouvoir prescrire le traitement adapté à la pathologie qu’il diagnostique. Ainsi, face à la haine, va-t-on générer l’amour et l’altruisme. Face à l’orgueil, on va cultiver l’humilité. Face à l’avarice, on engendrera la générosité. Face à la colère, on fera croitre la patience. Face à l’ignorance, on cultivera la sagesse, la connaissance des phénomènes. Face à la jalousie, on développera la réjouissance.

Ces qualités n’apparaissent pas spontanément en nous, elles ne sont pas engendrées ex nihilo. Elles découlent inévitablement de causes et de conditions préexistantes. Je peux donc en favoriser l’émergence et le développement grâce à l’entrainement de mon esprit.

Quand nous regardons les émotions négatives qui prospèrent en nous et y poussent comme du chiendent, nous pouvons être tentés par l’abattement. Mais il convient de ne pas y céder une seule seconde car ce serait une preuve supplémentaire d’ignorance. Armés de la connaissance, nous allons avec application et détermination, désherber, faire place nette, extirper toutes les mauvaises racines, pour planter des graines saines qui donneront de belles plantations. Cela est inévitable, cela ne peut pas être autrement car cela correspond simplement la nature des choses qu’exprime la loi du karma. Aussi, ne tardons plus et passons dès maintenant à l’action, confiants dans la réussite de notre entreprise : en avançant, nous recueillerons des signes qui nous ferons savoir que nous avançons dans la bonne direction.

Reprenons exactement la situation que nous avions visualisée tout à l’heure. Et décidons de générer du contentement, en lieu et place de la jalousie que nous avions fait naitre…Ainsi, je prends le temps de me réjouir pour cette homme qui possède une si belle voiture, ce 4X4 dont je rêve : j’en contemple les jantes, les chromes, j’apprécie la délicatesse des accessoires intérieurs, je savoure l’odeur des sièges en cuir, je me laisse griser par le vrombissement du moteur surpuissant… Tout cela me comble d’aise…. Et si je suis une femme, je me réjouis de contempler le beau visage aux traits si délicats, si harmonieux, de cette jeune fille que j’ai croisée… Je me réjouis qu’une personne ayant un aussi beau visage puisse exister, c’est un enchantement, une source de plénitude… Et je me réjouis de pouvoir le contempler et que d’autres êtres puissent en faire autant… Je ressens une sensation d’expansion, de plénitude, je me sens transporté à la vue d’ autant de beauté, je me sens apaisé… Et je souhaite que cette jeune fille puisse profiter longtemps du collier de diamants qu’elle porte si bien, avec élégance et naturel…

En souhaitant tout cela, je perçois que je ne manque de rien : je me sens intérieurement rempli, ouvert, spacieux, gratifié… En souhaitant le bonheur à autrui, je découvre que je l’ai instantanément fait naitre en moi. En me réjouissant pour autrui, c’est à moi que j’accorde la joie, la concorde, la paix intérieure, l’harmonie.

Cette expérience, pour notre esprit ordinaire, est proprement inouïe, inimaginable ; et en même temps elle est fondatrice car susceptible de transformer radicalement ma vie, pour le meilleur. Alors que je ne possède rien matériellement, je me sens riche, je me sens heureux ! Ce dont je souhaitais précisément faire l’expérience, voilà que cela m’est accordé. Par quelle alchimie ? J’ai simplement modifié ma façon de percevoir les choses.

Grâce à cette pratique méditative je fais l’expérience de ma grande liberté, de l’immense pouvoir créateur de mon esprit. Je peux ainsi, à loisir, générer dans mon esprit des causes de bonheur, de réjouissance, pour moi-même et pour autrui.

5.       Le bon moment pour pratiquer

Pour opérer cette transformation dans mon esprit, transmuter le plomb en or, l’idéal serait d’intervenir en temps réel : quand je sens poindre le nez d’une émotion négative, je génère aussitôt l’émotion positive qui en constitue le remède.

Mais, si pour les circonstances ou mes capacités ne me permettent pas pour le moment d’agir ainsi, je vais pouvoir différer ma pratique de quelques heures. En fin de journée, assis sur le rebord de mon lit, le dos bien droit, je repasse la scène dans mon esprit. En lieu et place de l’émotion négative, je suscite l’émotion positive, je la sens vivre en moi. Je procède ainsi quelques instants, jusqu’à me sentir pleinement rassasié. Cela ne me prend pas de temps car mon esprit acquiert rapidement beaucoup de souplesse et cela me soulage instantanément.

Grâce à cette pratique, je vais déjà mieux dormir car j’ai orienté mes pensées dans une direction favorable. Et puis, je vais purifier mon esprit, je vais diminuer d’un cran la puissance de l’émotion négative. Certes, celle-ci pourra surgir de nouveau le lendemain matin : elle a acquis tellement de puissance au fil des années où j’ai laissé mon esprit en jachère. Mais, même en n’ayant pratiqué qu’une seule fois, cette émotion a déjà perdu un peu de sa force : elle sera dorénavant moins prompte à s’élever, à se déployer, et je parviendrais mieux à l’enrayer et à générer l’émotion positive.

Et progressivement, au fil des jours, et des mois, sans que cela pèse sur mon esprit, je parviendrais à reprogrammer complètement mon comportement, mon mode de pensée, ma personnalité.

A un moment donné, j’aurai éradiqué toutes les émotions négatives et elles ne s’élèveront plus dans mon esprit. Je ferai alors l’expérience d’un bonheur profond, authentique, constamment renouvelé, un bonheur tel que je n’en ai encore jamais connu. Car les moments de bonheur que j’ai vécus jusqu’à aujourd’hui sont corrompus par les émotions négatives qui demeurent encore si puissantes dans mon esprit. Et ces instants ne sont qu’un pâle reflet de la félicité à laquelle je pourrai accéder et du bien que je pourrai accomplir autour de moi. Voilà le but profond de la pratique du Yoga. Il ne nous parle pas d’autre chose : de nous, d’autrui et de notre capacité à aller vers le meilleur. « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière » disait déjà Victor Hugo dans Les Contemplations.



[1], « Les âmes individuelles sont prisonnières des heurs et malheurs qui les affectent en ce monde ; pour les délivrer du pouvoir de l’Illusion il faut leur donner la connaissance du brahman, grâce à quoi l’individu n’est plus affecté par la maladie, ni par la vieillesse, ni par la mort et ne risque plus de renaitre. Cette connaissance est difficile à acquérir mais est le bateau qui permet de franchir le fleuve des renaissances ; on peut l’atteindre par mille chemins divers, mais elle est Une en vérité, refuge suprême au-delà de quoi il n’y a rien ! » (Cf. Yogatattva Upanishad, 5-6, in Upanishads du Yoga, traduites par Jean Varenne, collection Connaissance de l’Orient, Gallimard,1971)
[2] La preuve en est que nous pouvons adopter, face à une situation donnée, des réactions très variées. Si une personne crache dans notre idrection nous pouvons ressentir de la colère et chercher à lui nuire ; nous pouvons avoir peur et nous enfuir ; nous pouvons passer notre chemin, considérant que cette personne est mentalement perturbée ; nous pouvons générer des pensées altruistes en souhaitant qu’elle soit délivrée de ses émotions perturbatrices.
[3] voir notre article sur la méditation du calme mental

COURS DE HATHA YOGA