Swami Shivananda |
La concentration représente une
phase avancée de la pratique du Yoga. Dans les huit étapes de l’Ashtanga
Yoga (Yoga en Huit membres) énumérées par Patanjali, Dharana (concentration) prend ainsi place après les prescriptions (Yama), les réfrènements (Nyama), les postures (Asana), la maitrise du souffle (Pranayama)
et le retrait des sens (Pratyahara). La concentration précède
ainsi les deux phases ultimes du Raja Yoga : la méditation (Dhyana)
et l’extase (Samadhi).
Un tel ordonnancement correspond
à l’évolution intérieure du Yogi qui chemine progressivement vers la
Libération. Dans le déroulement d’une séance collective on va retrouver une
telle ascension. Ainsi, l’orientation particulière donnée au cours de nos
pensées, en générant une excellente motivation, correspond à l’affirmation de
l’éthique (Yama et Niyama). Une telle régulation de
l’esprit s’accomplit en posture méditative (asana).
Ensuite, survient le placement de la respiration correcte et la régulation du
souffle subtil (Pranayama). Se
retirant en lui-même (Pratyahara), le
Yogi peut alors développer la concentration (Dharana).
Le type de concentration dont
nous parlent les Yogis, nous ne savons pas bien, en vérité, de quoi il s’agit. Nous
utilisons, bien sûr, le terme de concentration pour parler de nos activités ordinaires.
Ainsi, tel juriste qui traite un dossier
contentieux génère une forme de concentration. De même, tel joueur d’échecs rassemble
les forces de son esprit sur une série de combinaisons lors d’une partie. Néanmoins,
l’objet sur lequel l’attention se trouve posé est toujours en mouvement :
dans le raisonnement qui se trouve élaboré, telle pensée conduit à une autre
pensée qui elle-même débouche sur une autre pensée…Ainsi, l’objet sur lequel
l’attention se trouve appliquée change constamment.
Avec Dharana, il en va tout autrement : le support de concentration
reste fixe, il ne change pas. L’esprit
demeure focalisé dessus, instant après instant. Tandis que dans la concentration
ordinaire on semblait égrener une à une les perles d’un collier, dans Dharana, on reste focalisé sur une
perle. Une telle forme de concentration permet alors de développer des qualités
particulières que la focalisation sur un point en mouvement ne permet pas
d’atteindre. Nous savons que certains Yogis parviennent ainsi à développer des
pouvoirs merveilleux (siddhis), tels
que la lévitation. Reconnaissons que les grands maîtres d’échecs parviennent
rarement à se déplacer dans l’espace, hormis en avion !
Pratiquer Dharana va nous être utile à plus d’un titre. Nous allons tout
d’abord développer des capacités ordinaires. Nous allons ainsi accomplir avec
plus d’aisance nos tâches intellectuelles quotidiennes, qu’elles soient scolaires
ou professionnelles. Nous allons ainsi devenir
beaucoup plus efficaces. Combien de fois ai-je trouvé, au sortir d’une pratique
de concentration, des solutions à des difficultés qui me semblaient jusqu’alors
insurmontables! Des tâches que je différais depuis plusieurs semaines, se
trouvaient d’un seul coup dénouées dans mon esprit. Non seulement je savais
clairement ce que j’avais à accomplir, mais je disposais des ressources pour
les mettre en œuvre sur le champ ! Le professionnel, féru de gestion et de
rationalisation des choix, dont l’emploi du temps est surchargé, devrait prendre
en compte cet argument économique imparable : canaliser l’esprit constitue
un investissement extrêmement rentable ! Les quelques minutes quotidiennement
consacrées à la pratique seront très largement compensées par des gains de
productivité supérieurs.
Hormis l’aide que la
concentration va nous apporter pour nos tâches intellectuelles ordinaires, Dharana va nous permettre de développer
des facultés ensommeillées. Nous pourrons ainsi, si nous nous appliquons avec
patience et régularité, développer des pouvoirs merveilleux, tels que la
clairvoyance, la claire-audition, qui nous permettront d’aider plus
efficacement les autres êtres.
Enfin, la concentration va nous
permettre de développer la sagesse et de dissiper les illusions qui
obscurcissent notre esprit et nous empêchent de percevoir la nature
fondamentale des phénomènes. C’est en cela que la concentration ouvre sur la
phase suivante du Raja Yoga, la méditation profonde (Dhyana).
J’espère avoir ainsi éveillé
votre intérêt pour la concentration qui représente le début de ce que Patanjali
considère comme le véritable Yoga, le Yoga
intérieur (Antaranga), les phases
précédentes correspondant à une simple propédeutique, le Yoga extérieur (Bahiranga)[ cf. Le Yoga de Patanjali, des
résultats, P110].
1. Définition
« La concentration est la
fixation de l’activité mentale en un
lieu précis » (YS III, 1) énonce de façon lapidaire Patanjali. Une telle
définition met en évidence deux caractéristiques.
Il s’agit, tout d’abord, de
réunir les forces mentales qui sont ordinairement dispersées. En effet, dans
son fonctionnement habituel notre esprit est constamment happé par les
perceptions sensorielles et agité par le flot incessant des pensées et des émotions.
Il ressemble alors à un arbre dans lequel sévit une bande de singes : ils
passent leur temps à s’y chinoiser, à s’exciter les uns les autres, à
s’affairer sans repos. La concentration consiste donc à focaliser l’esprit sur
un point.
De plus, comme nous l’avons dit,
ce support de concentration doit être fixe : il demeure identique durant
tout le temps de la pratique. Ainsi, lorsque des pensées, si vertueuses, si
géniales soient elles, s’élèvent, le Yogi s’en détourne, ne se laissant pas
entrainer par ces distractions qui ne semblent naitre que pour le détourner de
sa pratique.
Chaque fois qu’il surprend son
esprit à vagabonder, le Yogi replace doucement, mais fermement son attention
sur le support qu’il a choisi. La concentration conduit ainsi à une dissolution
temporaire de la pensée. Cette dissolution est extrêmement féconde : les
forces de l’esprit éparpillées vont pouvoir se rassembler et lui conférer une
force insoupçonnée jusqu’alors.
2. Le
choix d’un support de concentration approprié
Les commentateurs de Patanjali
ont, au fil des siècles, précisé les différents supports de concentration qui
pouvaient être retenus.
Ce qu’il est essentiel pour nous
de retenir c’est qu’on doit adopter un
support de concentration avec lequel on se sent en accord. Et celui qui
nous convient est celui avec lequel on se sent bien.
On peut regrouper ces supports en
plusieurs catégories :
. Les supports neutres et les supports
religieux
Les supports neutres sont des phénomènes
ordinaires. Ce sont des objets des sens perceptibles par tous les êtres. Ils ne
nécessitent aucune croyance religieuse et ne peuvent donc soulever aucune
réticence dans l’esprit des pratiquants.
L’attention se porte ainsi sur
les perceptions sensorielles : un son, une image, un toucher, une odeur ou
un gout.
On pourra donc se focaliser sur
un bruit répétitif, tel que le flux et le reflux des vagues, le tic-tac
d’une horloge ancienne, ou bien le goutte à goutte d’un robinet, si vous
avez la paresse d’appeler le
plombier !
On pourra aussi fixer des yeux
une forme physique placée à l’extérieur de soi : un point sur le mur, l’image d’une personne inspirante, le stylo
posé sur la table … On pourra ensuite se concentrer sur une image mentale, ce qui
est plus puissant. Ainsi, après avoir regardé l’objet, en avoir perçu
clairement les caractéristiques, je
ferme les yeux pour faire apparaitre dans mon esprit l’image de cet objet. Et
chaque fois que cette image perd de sa netteté, je rouvre les yeux pour la
rafraichir.
On peut aussi se concentrer sur
un toucher, par exemple la sensation du passage de l’air dans les fosses
nasales.
Les supports religieux sont
excellents, dès lors que le pratiquant adhère pleinement à la spiritualité qui
les sous-tend. Ainsi, un dévot hindou pourra se focaliser sur l’image de sa
divinité d’élection (Ishta dévata), tel que Shiva, ou un avatar de
Vishnu. De même, un pratiquant chrétien pourra visualiser une image du Christ
ou de la Vierge, tout en récitant telle ou telle prière. Enfin, un adepte bouddhiste pourra visualiser sa déité
de méditation (Yidam), en récitant le
mantra qui lui correspond.
De tels supports sont très
puissants dès lors, rappelons-le qu’ils s’accordent intimement aux convictions
spirituelles de l’adepte.
. les supports externes et les
supports internes
Les supports externes sont des
objets placés à l’extérieur de soi et qui donnent lieu à des perceptions
sensorielles. Nous en avons parlé précédemment.
Les supports internes sont des points
particuliers du corps ou des phénomènes créés dans l’esprit.
.
des points particuliers du corps
Le Yogi peut placer son attention
sur tel ou tel centre énergétique (chakra)
afin de développer telle ou telle qualité. La concentration au bas de la colonne (muladhara chakra)
favorisera ainsi l’activation de l’énergie
(Kundalini). Le choix du centre du cœur (Anahatha chakra) permettra
l’expansion du sentiment d’amour et
de la dévotion. L’attention au point
situé entre les sourcils (Ajna chakra)
permettra le développement des pouvoirs
de l’esprit.
L’attention peut aussi être
placée à d’autres endroits du corps, tels que l’entrée des narines, ou à
l’intérieur des fosses nasales.
. des
phénomènes mentaux
Le Yogi peut générer dans son esprit des images
mentales, ou bien réciter intérieurement certains sons. Par exemple, l’adepte
visualisera l’image d’un point, d’une lettre sanscrite, ou la forme du corps
d’un être inspirant. Il pourra aussi réciter tel mantra, soit seul, soit en
effectuant la visualisation.
Le choix du support de
concentration se fera en fonction des capacités
du pratiquant. Dans la mesure où, au fil des semaines, ces capacités vont
se déployer, le support de concentration pourra lui aussi évoluer et devenir de
plus en plus riche et complexe.
Il est parfois proposé lors d’un cours de Yoga de réciter le mantra « So Ham », qui signifie « Je
suis Cela ». A l’inspiration l’adepte récite le son « So », tandis qu’à l’expiration il
prononce le son « Ham ». Une telle pratique est excellente et convient
très bien aux adeptes du Védanta pour lesquels l’âme individuelle est de la
même nature que le Soi, l’Absolu. Mais une telle récitation ne conviendrait peut
être ni à l’adepte d’une autre religion, ni à une personne athée. Par ailleurs, une telle récitation
serait sans doute de peu d’utilité si elle ne constituait qu’un vernis
exotique, sans impliquer une adhésion profonde de la personne.
De même la récitation du mantra Om, accompagnée ou non de la
visualisation de la lettre sanscrite, est source de bienfaits excellents. Elle
produira pleinement ses effets si l’adepte perçoit dans ce mantra le son à
l’origine de la création de l’univers.
Ainsi, les supports de
concentration peuvent être très variés.
Certains correspondent à des usages spécifiques. Les pratiquants du Yoga
n’ayant pas d’engagement spirituel particulier auront tout intérêt, dans un
premier temps à utiliser un support
neutre. Ils pourront ensuite, en fonction de leurs progrès, adopter un
support religieux, s’ils perçoivent que cela leur est bénéfique.
Nous présenterons un peu plus
loin une pratique spécifique particulièrement adaptée aux adeptes occidentaux
du Yoga.
3. LES
CONDITIONS PREALABLES
Pour s’engager dans la
concentration il faut avoir antérieurement réuni plusieurs conditions. Cela ne
va pas nous demander d’effort particulier car ces précautions correspondent aux
phases préliminaires du Yoga qui ont été assimilées par le pratiquant.
On pourrait naïvement se demander :
« Mais pourquoi s’embarrasser de telles conditions préalables ? Ne pourrait-on
pas simplement de maitriser l’esprit, un point c’est tout ?! » La réponse est qu’il n’est jamais possible de disjoindre ce qui est
nécessairement articulé : la pensée, le corps physique et le corps
énergétique forment un tout, un ensemble cohérent. Ainsi, la concentration, qui
constitue indiscutablement une discipline mentale, ne peut être menée à bien que
si le corps physique et le corps énergétique sont pleinement pris en compte.
. générer la motivation correcte
On commence par générer le
souhait d’obtenir de grands bienfaits (un bonheur durable, de nombreuses
vertus, un esprit puissant et stable) pour accomplir notre bien et celui des
autres êtres. Il serait malvenu d’aspirer au développement des capacités de l’esprit
pour réaliser plus efficacement le braquage d’une banque !
Cette orientation donnée à notre
esprit correspond aux deux premières phases
de l’Ashtanga Yoga, Yama (prescriptions) et Nyama (réfrènements) qui définissent les règles éthiques indispensables
à la pratique.
Est-il nécessaire de préciser que
la consommation d’excitants (café, thé trop forts) et de façon générale tous
les comportements qui nuisent à la santé rendront plus difficile le
développement du calme intérieur ?
. s’installer en posture
méditative
Pour que l’activité mentale soit
régulée, le corps doit maintenant être placé dans une attitude particulière. La
colonne vertébrale doit être droite pour permettre aux souffles subtils de
circuler correctement. Il est recommandé d’avoir les yeux entrouverts afin d’éviter
la distraction et la torpeur. La pointe de la langue placée à l’avant du palais
et le regard dans le prolongement du nez vous aideront aussi fortement.
Les personnes qui ne peuvent
adopter ni Padmasana (lotus), ni Siddhasana (posture parfaite), pourront s’installer
en Sukhasana (posture confortable,
dite du tailleur), ou bien assis sur un tabouret.
L’adoption de la posture
méditative correspond à la troisième phase de l’Ashtanga Yoga : Asana.
. disposer de suffisamment d’énergie vitale
La concentration vise à faire
converger l’activité mentale sur un point unique afin de développer la
puissance de notre esprit. Il est donc nécessaire de disposer de suffisamment
de ressources intérieures pour canaliser ce flux.
Les exercices de Pranayama, qui constituent la quatrième
phase de l’Ashtanga Yoga, y pourvoiront.
. générer une attention aiguisée
Il ne suffit pas de décréter le
calme mental pour que notre esprit devienne instantanément stable ! On
voudrait qu’il en soit ainsi, on se croit maitre chez soi, dans notre esprit.
Mais, on découvre qu’on ne maitrise finalement pas grand-chose, et c’est alors une
grande déconvenue. Il faut donc dépasser cette blessure d’orgueil.
Pour éviter qu’on se mette à
suivre les pensées qui ne manqueront pas de s’élever dans notre esprit agité,
il faut générer une vigilance particulière. Il faudrait susciter l’attention
que déploie une personne qui doit traverser un précipice à l’aide d’une
planchette de bois. Il est certain que dans une telle situation, on ne se laisserait pas distraire par un moustique et
que notre esprit ne dévirait pas de
l’endroit où l’on doit poser le pied.
S’étant représenté cela très clairement, on
peut alors s’engager avec assurance dans la pratique.
4.
EXEMPLE CONCRET : L’ATTENTION AU SOUFFLE
Après avoir apporté ces
précisions, il nous est maintenant possible de nous avancer avec assurance dans
la pratique. Je vous propose de mettre en œuvre un exemple particulier de
concentration nommé « l’attention
au souffle ». Dans la mesure où nos cours s’adressent à un public
occidental et qu’ils s’adressent à tous, il nous a paru nécessaire d’utiliser
une pratique totalement laïque qui
ne fasse donc appel à aucune considération religieuse.
Cette pratique a aussi le mérite
d’être extrêmement facile à comprendre, ce qui facilitera grandement sa mise en
œuvre.
. Descriptif d’une séance
Pour vous rendre les choses
aisées, vous pouvez suivre le déroulement suivant, en marquant des poses chaque
fois que nécessaire.
« Je m’installe
confortablement le dos bien droit…dans un endroit calme… Je souhaite développer
les forces de mon esprit pour m’aider moi-même et aider les autres… Je génère
une grande vigilance en m’imaginant traverser un précipice… aussitôt je me sens centré… Je place alors
mon attention à l’intérieur de mes fosses nasales … Je prends alors pleinement conscience
de l’inspiration qui émerge,… qui se déploie, …puis qui s’achève … Puis je
prends pleinement conscience de l’expiration qui se déclenche…qui se déploie …
et se termine… Et cela, instant après instant… Sans m’intéresser aux
perceptions sensorielles, ni aux pensées qui s’élèvent parfois… Je les
reconnais et les laissent se dissoudre. Elles retournent à l’esprit d’où elles
se sont élevées….Tout comme les vagues qui sont nées de l’océan y retournent………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. »
. Précisions complémentaires
Une pratique quotidienne de dix minutes sera un excellent commencement et amènera
indiscutablement une transformation de l’esprit sur le long terme. Comme on
prendra rapidement gout à cette discipline, on ne s’empêchera pas de prolonger plus
longtemps cette pratique : un quart d’heure, puis peut-être une demi-heure,
comme cela se fait traditionnellement dans les monastères. Les Yogis, grâce à la
force née de l’entrainement, peuvent demeurer aussi longtemps qu’ils le
souhaitent dans cette pratique.
Il est possible, et même souhaitable,
de s’adonner à la pratique plusieurs fois par jour, tout dépend de vos
objectifs et de vos capacités. Swami Shivananda recommande quatre sessions :
04h00, 08h00, 16h00 et 20h00. Mais je
pourrais aisément vous faire une dérogation pour la première session du matin !
Dans cette pratique on ne régule
pas la respiration, on ne la contrôle pas comme on s’y efforce dans les
exercices de Pranayama : on la
laisse s’accomplir naturellement, spontanément. On ne va pas non plus
intellectualiser la respiration, l’analyser : on ressent simplement,
pleinement le passage de l’air, et cela de façon continue.
Chaque fois que l’esprit se
surprend à vagabonder, on le ramène doucement, mais fermement sur le support de
concentration, tout comme un maitre, qui promène son chien en laisse, le ramène
de temps à autres dans la bonne direction ! On s’abstient alors d’être
contrarié. Inversement, on se dispensera de générer de l’orgueil si notre
concentration se déploie avec aisance. Parfois l’esprit nous semblera aussi lisse
qu’une mer étale, parfois, l’esprit nous semblera aussi démonté qu’un océan déchainé : c’est cela pratiquer. Quoi qu’il advienne, on poursuivra simplement
avec constance, application, en mettant de la distance avec ce jeu d’illusions.
Les occidentaux sont très pressés,
ils voudraient que tout se passe aussi vite qu’avec leur smartphone. Mais
l’esprit n’est pas une machine. Les progrès seront donc progressifs et il ne
faut pas s’attendre un calme olympien immédiat. Ainsi, ce n’est pas au moment
même où je m’assois et que je décide que mon esprit soit calme qu’il va nécessairement
s’exécuter. Une telle croyance révélerait une bonne dose d’ignorance et
d’orgueil !
Toutefois, les progrès seront
certains, et si à la fin de ma séance, je constate que mon esprit est toujours
agité, je n’en déduirai pas pour autant que ma pratique a été dépourvue
d’efficacité. C’est un point essentiel qui doit être bien compris : ce n’est pas au moment où je pratique que
je recueille les fruits de la pratique, de la même façon que ce n’est pas au
moment où je plante une graine dans la terre que j’obtiens un arbre et des
fruits (cf. notre article sur le karma). Je recueillerai inéluctablement les conséquences positives de ma
pratique. Ce sera peut-être une demie heure après la fin de ma séance que je
prendrai conscience que mon esprit est plus paisible. Ce sera peut-être le
lendemain que quelqu’un me fera une observation avec laquelle je me serais
autrement blessé et que j’écarterai d’un geste de la main en me disant :
« l’esprit de cette personne est sous l’emprise d’une perturbation. Je ne
suis pas obligé de me sentir mal du fait des paroles prononcées par un esprit
perturbé ! » Et je gagnerai ainsi en paix intérieure et en liberté.
CONCLUSION
Que vous pratiquiez modérément, ou
de façon assidue, les bienfaits de votre pratique seront excellents et vous
pourrez toujours vous féliciter d’avoir progressé ne serait-ce que d’un pas
dans la bonne direction, ce qui vaudra toujours mieux que d’avoir tourné en
rond, voire s’être engagé dans un chemin de traverse.
Pour mesurer votre évolution dans
la pratique du Yoga, Swami Shivananda donne une indication précieuse : « Si
vous concentrez votre esprit sur un point pendant 12 secondes, c’est Dharana.
Douze Dharanas sera une Dhyana (méditation). Douze méditations feront Samadhi
(superconscience). (Swami Shivananda , Triple Yoga Lesson Twelve, page 60)
Bon, évidemment, d’autres auteurs
donnent des recommandations plus strictes : « Si cette absorption ,
pendant laquelle toute respiration est suspendue , dure dix minutes, c’est ce
que les hatha-yogin appelent le retrait des sens (pratyahara) ; si elle dure deux heures , c’est ce qu’ils
nomment concentration (Dharana) ;
si elle dure un jour entier, c’est ce qu’ils nomment méditation (Dhyana), et si
elle dure douze jours continument, c’est ce qu’ils nomment samadhi ».(Tara Michael, Les Voies du Yoga, page 231)
Mais, au fond, l’essentiel n’est
pas là. Ce qui importe est d’avancer, de pratiquer avec confiance et
détermination. Vous percevrez nécessairement vos progrès. Ainsi, quand vous vous rendez
à Marseille en voiture, vous croisez bien des panneaux indicateurs qui vous
signalent que vous êtes sur la bonne route et que vous vous rapprochez du but.
Et quand vous aurez les pieds dans l’eau, vous saurez par votre propre
expérience vous avez atteint votre destination !
Christian Ledain
Bibliographie
Phan Chon Tôn , Le Yoga de
Patanjali, éditions Adyar, Hindouisme, 2000
Pierre Feuga et Tara Michael, Le
Yoga , Que sais-je, PUF , 2012
Tara Michael, Les Voies du Yoga, Edition du Rocher, Points, collection Sagesse, 2011
Swami Shivananda, Triple Yoga, Divine Life
society Publication ISBN 81-7052-009-6, 1999