mardi 15 août 2023

Pavana Muktasana

Pavana,"Celui qui libère", aussi appelé Vayu

Pavana Muktasana dispose d' une place fondamentale dans la série des asanas. Cette posture, compte tenu de ses immenses bienfaits physiques, énergétiques et mentaux, devrait systématiquement être accomplie. 

Pour le percevoir il convient d'abord de bien comprendre ce que signifie ce nom. 


1. Les différentes significations du nom de cette posture


Le nom sanskrit, Pavana Muktasana, donné à cette posture recèle une signification symbolique.

Par définition, un symbole désigne une forme qui renvoie à quelque chose d’autre qui ne peut pas être exprimé directement. Le symbole est ainsi utilisé pour décrire une réalité foisonnante, riche, qui ne peut pas être réduite à un unique point de vue. Le symbole autorise ainsi une pluralité d’interprétations qui peuvent toutes être exactes, certaines s’avérant  simplement plus grossières, ou plus immédiatement perceptibles, tandis que d’autres sont plus subtiles ou plus profondes.

Il en est ainsi pour Pavana Muktasana.

Une première interprétation donnée au nom de cette posture est d’ordre philosophique. Pavana désigne, en sanskrit, ce qui purifie, tandis que  Mukta, est ce qui libère. Dans la mesure où le Yoga constitue une voie de libération de la souffrance, Pavana Muktasana désigne ainsi la posture (asana) qui purifie (Pavana) et libère (mukta) le mental de son ignorance, de ses erreurs.

Une seconde interprétation est d’ordre énergétique.  Comme le définit Louis Frédéric dans son « Dictionnaire de la civilisation indienne », Pavana est le nom  donné à une divinité brâhmanique, aussi appelée Vayu, le dieu du vent, encore nommée Prana, le souffle vital, l’énergie.

Plus précisément, Pavana muktasana équilibre l’un des cinq souffles subtils fondamentaux, Apana Vayu.

Pour apprécier pleinement l’importance de cette affirmation, il est nécessaire d’effectuer quelques rappels concernant l' anatomie de notre corps énergétique.


2. l’importance cruciale d’Apana Vayu sur notre santé

 

Pour les Yogis, notre état de santé ne dépend pas principalement de notre dépense physique, comme on le croit souvent en Occident, où l’on est invité à faire du sport. Notre santé physique et mentale découle de la circulation harmonieuse des souffles subtils dans notre corps énergétique. Ainsi, à coté de notre corps  physique, matériel, existe un corps énergétique, invisible à l’œil nu, composé de nombreux canaux (nadis), souffles (vayus), centres (chakras) et gouttes principielles.

Cette énergie (Prana), est répartie par zones géographiques dans notre corps énergétique et se trouve spécialisée par fonctions vitales.

On distingue ainsi 5 « souffles » (vayus) subtils fondamentaux : prana vayu, apana vayu, udana vayu, samana vayu et vyana vayu. A ces souffles principaux s’adjoignent des souffles secondaires et un très grands nombre de souffles résiduels.

Apana vayu est le souffle qui circule dans le bas du corps et dont l’action s’exerce vers l’extérieur et vers le basApana Vayu assure deux fonctions vitales dans notre organisme: l’évacuation des déchets et la reproduction de l’espèce.

Ces deux fonctions se concrétisent de multiples façons.  Apana Vayu permet ainsi d’évacuer le gaz carbonique lors de l’expiration. Il permet d’aller aux toilettes, de libérer les gaz du colon, mais aussi de faire sortir le bébé lors de l’accouchement. Il favorise aussi le bon écoulement des règles pour les femmes et déclenche l’éjaculation pour les hommes.

Apana Vayu assure donc des fonctions vitales fondamentales qui sont source de nombreux désagréments physiques et mentaux lorsque ces processus ne s’effectuent pas correctement.

On comprend dès lors pourquoi Pavana Muktasana, qui permet d’équilibrer Apana Vayu, a une place fondamentale dans la série des asanas.


3. Comment prendre la posture


Avant de s’installer dans la posture complète, il est très utile de réaliser les deux demi-postures (Ardha Pavana Muktasana).


3.1 Ardha Pavana Muktasana

3.1.1 la posture de base

Vous êtes allongé sur le dos en Shavasana. Placez votre attention sur la partie droite de l’abdomen. Lentement, fléchissez le genou droit en ayant conscience de l’étirement progressif du bas du dos, des fessiers et de l’arrière de la cuisse.

Par la seule force des abdominaux, votre genou se rapproche du centre de votre poitrine. Ayez conscience de la compression de la partie droite de votre abdomen et veillez surtout à ne pas amputer votre respiration qui doit toujours demeurer régulière et complète.


Ayez conscience du relâchement musculaire de vos mains, de vos bras, de vos épaules. Puis, très lentement, posez vos mains jointes sur votre genou droit. Si cela est difficile, ou simplement gênant, placez vos mains à l’arrière du genou (creux poplité). Les mains reposent passivement et pèsent du seul poids des brassans chercher à appuyer, à exercer la moindre pression. Appuyer ne ferait que maintenir un excès d'énergie ascendante (Prana vayudans le haut de notre corps et renforcer ainsi l'agitation mentale dont nous souhaitons précisément nous libérer.

Alors, la tête peut se soulever lentement, consciemment, en décollant vertèbre après vertèbre.

Attention, il ne s’agit surtout pas de tourner la tête sur le côté : la colonne vertébrale doit demeurer bien alignée, y compris dans la région cervicale.

Le front se rapproche doucement du genou par la mobilisation des muscles du cou (sterno-cléido-mastoïdiens), tandis qu’ en sens inverse, le genou se rapproche du front par la sollicitation des muscles abdominaux. Le but n’est pas que le front et le genou se touchent, mais de pouvoir demeurer paisiblement et confortablement dans cette posture afin qu’un travail musculaire réel puisse s’effectuer et que l’esprit puisse se poser. En respectant impérativement vos possibilités, demeurez le corps stable, la respiration stable et l’esprit stable. Prenez le temps d’être simplement et pleinement bien avec vous-même, l’esprit dégagé de tout autre objectif, de tout stress, en permettant simplement à la posture de produire ses bienfaits en vous.

Demeurez ainsi, tant que les muscles abdominaux et les muscles du cou vous l’autorisent : 30 secondes, 45 secondes ou une minute, c’est très bien.

Puis, tout aussi lentement et consciemment, redescendez, redéposez chaque vertèbre l’une après l’autre et demeurez à l’écoute de ce qui se passe en vous, dans votre corps et votre esprit. L’esprit est ouvert, spacieux et accueille avec bienveillance tout ce qui y apparaît, tout comme une glace renvoie paisiblement l'image de tous les objets qui viennent s’y refléter. Permettez simplement à la posture d’agir en évitant que votre esprit n’interfère, ne commente, ne discourt.

Veillez toujours à commencer par plier le genou droit avant le gauche, ceci pour comprimer en premier la partie droite de l’abdomen et stimuler ainsi le péristaltisme dans le bon sens !

Puis, en procédant de la même façon, vous passerez au côté gauche. Vos perceptions seront sans doute légèrement différentes, prenez le temps de les ressentir, de les vivre pleinement.

A partir de cette attitude de base il est possible, de rendre la posture plus tonique, mais il n’y a aucune obligation à cela.

3.1.2. Pour aller plus avant dans la posture

Il est tout d’abord possible de tendre lentement la jambe qui est restée allongée en ramenant progressivement les orteils vers le visage (cf. dessin), ceci afin d’amener un étirement du mollet et de l’arrière de la cuisse (muscles ischio-jambiers).

Par ailleurs, les personnes qui le souhaitent pourront aussi décoller les omoplates du sol, en gardant le menton bien abaissé, tout en veillant à ne surtout pas crisper les mâchoires.

Après avoir pratiqué les deux demi-postures, il convient d’examiner la posture complète.


3.2.  Pavana Muktasana


Pliez tranquillement un genou, puis l’autre et ramenez les vers la poitrine par la seule sollicitation des muscles abdominaux. Puis, posez les mains détendues sur les genoux. Soulevez la tête.


Soulevez la tête.

La colonne vertébrale se trouve ainsi enroulée par le bas (région lombaire) et par le haut (région cervicale).

Une fois la posture installée, la concentration se place au niveau de l’abdomen (nombril).



3.3 les erreurs fréquemment commises


En abordant cette posture on pourrait être tenté, bien malgré soi, de reproduire les travers qui nous handicapent dans notre vie quotidienne.

Sans y prendre garde, nous risquons de sur-solliciter le haut de notre corps :front plissé, sourcils froncés, mâchoires serrées, nuque raide, épaules bloquées, thorax rigidifié, souffle court.

Pratiquer correctement Pavana Muktasana c'est donc se donner la possibilité de se libérer de ces conditionnements.

Voici les principales embûches à éviter :

S’agripper à sa jambe comme à un radeau

Dès lors qu’on place les mains sur les genoux, on est tenté de s’y accrocher comme si on était en perdition. Or, dans Pavana Muktasana ce sont les muscles abdominaux qui doivent être mobilisés pour rapprocher les genoux de la poitrine. Les bras ne doivent pas être sollicités pour pallier la faiblesse de la sangle abdominale. On veillera donc particulièrement à fortifier la musculature du ventre, tout en laissant délibérément les bras et les épaules au repos.

Si on a un doute concernant la crispation des bras, on peut soulever légèrement les mains du genou : si celui-ci garde sa position initiale c’est qu’on ne forçait pas en appuyant dessus.

se rigidifier complètement

Une erreur fréquente  consiste à penser que "puisqu'on est là pour faire des efforts, autant y aller franchement !" Cette mobilisation excessive conduit à une crispation généralisée . Pour éviter cet écueil, il importe de connaitre exactement les muscles qui doivent être sollicités et d'être continuellement à l'écoute de ses sensations. 

bloquer sa respiration 

Habitués que nous sommes à respirer de façon incorrecte dans notre vie quotidienne, nous risquons de reproduire et d'accentuer ce dysfonctionnement lors de l'adoption de la posture. 

Si nous n'y prenons pas garde, ce blocage va s’installer en trois étapes. Tout d’abord, comme les muscles abdominaux sont contractés, on est tenté de s’empêcher de respirer par le ventre. Puis, en appuyant inutilement avec les mains sur le genou, on bloque le tronc, entravant ainsi la respiration thoracique. Enfin, en contractant les épaules on parvient à gêner même la respiration sous-claviculaire. Ainsi, en vingt secondes à peine, on halète, on s’épuise, on se sent mal, et on redescend essoufflé !

Il est donc essentiel de préserver constamment une respiration consciente et complète. Le maintien de la concentration au niveau du nombril durant toute la phase statique de la posture va d'ailleurs nous y aider pleinement.

Quand on prend conscience que l'on tombe dans un de ses écueils, il serait utile de se dire : " Tiens, ce que je suis entrain de faire là me renseigne sur ma façon habituelle de me comporter. Dans ma vie quotidienne, je me coupe de ma respiration complète, je sur-sollicite telle partie de mon corps, je me bloque physiquement et mentalement." Dès lors, la conscience de mes erreurs devient un enseignement. En m'abstenant de ces égarements lors de la tenue de la posture, j'apprends à faire autrement, j'initie un autre mode de fonctionnement. Cette expérience positive va laisser une trace dans mon esprit qui me permettra, à force de patience et  d'écoute de soi, de développer une attitude plus protectrice au quotidien.  


4. les bienfaits multiples de la posture


Pavana Muktasana constitue une posture de base du Yoga. Elle est très largement accessible et dispense de très nombreux bienfaits.

4.1. la régulation d’Apana Vayu

Pavana Muktasana assure une bonne distribution d’Apana Vayu et contribue ainsi à réguler des fonctions de base de l’organisme : l’élimination des déchets et la reproduction : 

. elle favorise le bon transit intestinal et permet ainsi de prévenir la constipation;

. elle permet l’évacuation des gaz présents dans l’intestin ;

. grâce à la combinaison de la respiration complète et de la compression de la cavité abdominale, tous les viscères abdominaux (foie, estomac, pancréas, rate, intestins) se trouvent décongestionnés et vivifiés. Les bienfaits de la posture s’étendent donc au-delà de la seule élimination des déchets par l’intestin et la vessie : Pavana Muktasana contribue au bon fonctionnement général de tout le système digestif et favorise la production d’insuline, essentielle pour prévenir l’apparition du diabète.

. elle permet le bon écoulement des règles, ce qui en fait une posture très importante pour les personnes qui souffrent de dysménorrhées. En outre, elle soulage les douleurs menstruelles et stimule le bon fonctionnement des ovaires,

. elle constitue, sur le long terme, une excellente préparation à l’accouchement.

4.2. le renforcement musculaire

La posture mobilise la musculature de l’abdomen et du cou, ce qui contribue à les fortifier puissamment.

Une sangle abdominale solide est indispensable non seulement pour assurer une bonne digestion, mais aussi pour permettre le placement correct du bassin et éviter ainsi le mal de dos.

Le renforcement des muscles sterno-cléido-mastoïdiens, situés latéralement, à droite et à gauche du cou, assure une grande mobilité à notre tête, nous permettant de la tourner sur les cotés, mais aussi de pointer le nez vers le plafond (extension) ; par ailleurs, ces muscles nous permettent de soulever le sternum et la partie interne de la clavicule, ce qui autorise  la respiration haute (cf. notre article sur la respiration). En tant que muscle inspirateur accessoire, le muscle sterno-cleido-mastoidien joue donc un rôle essentiel car la respiration haute constitue pour nombre de nos contemporains, qui ne pratiquent malheureusement pas le Yoga, la seule respiration qu'ils parviennent à mettre en oeuvre (en l’absence de la respiration abdominale et thoracique).

4.3. l’étirement musculaire 

La musculature dorsale se trouve étirée sur toute sa longueur, ce qui contribue puissamment à éliminer la raideur du dos. Cette action est particulièrement bénéfique pour la région cervicale et le haut du dos qui sont souvent le siège de contractures musculaires importantes. La dissolution de ces tensions contribue très fortement à l’installation d’une sensation de détente et de bien-être généralisée.

Par ailleurs, l’étirement des muscles du bas du dos et du nerf sciatique soulage les lumbagos.

Les muscles ischio jambiers, situés à l’arrière des cuisses, sont étirés eux aussi. Rappelons qu’en raison de notre mode de vie sédentaire, ces muscles ont tendance à se rigidifier. Aussi, la posture, en assurant un étirement doux de cette région rendra à ces muscles leur souplesse naturelle.

4.4. la détente mentale

Grâce au brassage puissant de la cavité abdominale, le plexus solaire se trouve décongestionné. Pavana Muktasana s’avère ainsi un excellent antidote à l’anxiété, à la nervosité et au stress. Bien souvent, d’ailleurs, un bâillement se déclenche involontairement après avoir adopté cette posture durant une minute.

4.5. la mobilisation articulaire 

Grâce à Pavana Muktasana, la mobilité de la hanche se trouve favorisée, ce qui contribue à préserver une bonne locomotion. En outre, l’enroulement de la colonne vertébrale lui assure une bonne souplesse et permet la propagation correcte des influx nerveux.

4.6. des effets esthétiques non négligeables 

Le massage puissant suscité par la respiration profonde contribue à éliminer l’excès de graisse qui peut se déposer sur l’abdomen, ainsi qu’autour des hanches. Pavana Muktasana contribue ainsi à préserver une silhouette longiligne.


5. des contre-indications en nombre limité

 

Les contre-indications sont assez évidentes, mais nous n’aurons pas peur de les énoncer ici !

On s’abstiendra donc de prendre Pavana Muktasana dans les trois cas suivants :

    . éventration

    . hernie,

    . douleur aiguë due à une sciatique.

Là encore, dans un tel cas de figure, le bon sens recommande le repos et l’immobilité.
Les femmes enceintes pourront avec grand soulagement effectuer cette posture en écartant les genoux afin de laisser de la place pour le bébé.

 

CONCLUSION

Pavana Muktasana prendra rapidement une place de choix dans votre pratique du Yoga compte tenu de ses immenses bienfaits, de son caractère universel et de sa simplicité.

De plus c’est une posture très plaisante à adopter et qui ne demande pas de préparation préalable. On pourra ainsi la prendre pour se détendre simplement après une longue journée bien chargée.

Je vous souhaite une excellente pratique.

Christian Ledain

 

Bibliographie

. M. Mahesh Ghatradyal (cf. revue Yoga et Vie N° 53 de septembre 1987) .

. Louis Frédéric, « dictionnaire de la civilisation indienne », chez Robert Laffont, 1987

COURS DE HATHA YOGA