Pavana,"Celui qui libère", aussi appelé Vayu |
Pavana Muktasana dispose d' une place
fondamentale dans la série des asanas. Cette posture, compte tenu de ses
immenses bienfaits physiques, énergétiques et mentaux, devrait
systématiquement être accomplie.
Pour le percevoir il convient d'abord de bien comprendre ce que
signifie ce nom.
1. Les différentes significations du nom de cette posture
Par définition, un symbole désigne une forme qui renvoie à quelque
chose d’autre qui ne peut pas être exprimé directement. Le symbole est ainsi
utilisé pour décrire une réalité foisonnante, riche, qui ne peut pas être
réduite à un unique point de vue. Le symbole autorise ainsi une pluralité
d’interprétations qui peuvent toutes être exactes, certaines
s’avérant simplement plus grossières, ou plus immédiatement
perceptibles, tandis que d’autres sont plus subtiles ou plus profondes.
Il en est ainsi pour Pavana
Muktasana.
Une première interprétation donnée au nom de cette posture est
d’ordre philosophique. Pavana désigne, en
sanskrit, ce qui purifie, tandis que Mukta, est ce qui
libère. Dans la mesure où le Yoga constitue une voie de libération de la
souffrance, Pavana
Muktasana désigne ainsi la posture (asana) qui
purifie (Pavana) et
libère (mukta) le
mental de son ignorance, de ses erreurs.
Une seconde interprétation est d’ordre énergétique. Comme
le définit Louis Frédéric dans son « Dictionnaire de la civilisation
indienne », Pavana est le nom donné à une
divinité brâhmanique, aussi appelée Vayu, le dieu du vent, encore nommée Prana, le souffle
vital, l’énergie.
Plus précisément, Pavana muktasana équilibre l’un
des cinq souffles subtils fondamentaux, Apana Vayu.
Pour apprécier pleinement l’importance de cette affirmation, il
est nécessaire d’effectuer quelques rappels concernant l' anatomie de notre
corps énergétique.
2. l’importance cruciale d’Apana Vayu sur notre santé
Pour les Yogis, notre état de santé ne dépend pas principalement
de notre dépense physique, comme on le croit souvent en Occident, où l’on est
invité à faire du sport. Notre santé physique et mentale découle de la circulation
harmonieuse des souffles subtils dans notre corps énergétique. Ainsi, à
coté de notre corps physique, matériel, existe un corps énergétique,
invisible à l’œil nu, composé de nombreux canaux (nadis), souffles (vayus),
centres (chakras) et gouttes principielles.
Cette énergie (Prana),
est répartie par zones géographiques dans notre corps énergétique et se trouve
spécialisée par fonctions vitales.
On distingue ainsi 5 « souffles » (vayus) subtils
fondamentaux : prana vayu, apana vayu, udana vayu, samana vayu et vyana vayu. A
ces souffles principaux s’adjoignent des souffles secondaires et un très grands
nombre de souffles résiduels.
Apana vayu est le souffle qui circule dans le bas du corps et
dont l’action s’exerce vers l’extérieur et vers le bas. Apana
Vayu assure deux fonctions vitales dans notre organisme: l’évacuation
des déchets et la reproduction de l’espèce.
Ces deux fonctions se concrétisent de multiples
façons. Apana Vayu permet ainsi d’évacuer le gaz carbonique
lors de l’expiration. Il permet d’aller aux toilettes, de libérer
les gaz du colon, mais aussi de faire sortir le bébé lors de l’accouchement. Il
favorise aussi le bon écoulement des règles pour les femmes et déclenche
l’éjaculation pour les hommes.
Apana Vayu assure donc des fonctions vitales fondamentales qui
sont source de nombreux désagréments physiques et mentaux lorsque ces processus
ne s’effectuent pas correctement.
On comprend dès lors pourquoi Pavana Muktasana, qui permet
d’équilibrer Apana Vayu, a une place fondamentale dans la série des
asanas.
3. Comment prendre la posture
Avant de s’installer dans la posture complète, il est très utile
de réaliser les deux demi-postures (Ardha
Pavana Muktasana).
3.1 Ardha Pavana Muktasana
3.1.1 la posture de base
Vous êtes allongé sur le dos en Shavasana. Placez
votre attention sur la partie droite de l’abdomen. Lentement, fléchissez le
genou droit en ayant conscience de l’étirement progressif du bas du dos, des
fessiers et de l’arrière de la cuisse.
Par la seule force des abdominaux, votre genou se rapproche du
centre de votre poitrine. Ayez conscience de la compression de la partie droite
de votre abdomen et veillez surtout à ne pas amputer votre respiration qui doit
toujours demeurer régulière et complète.
Ayez conscience du relâchement musculaire de vos mains, de vos
bras, de vos épaules. Puis, très lentement, posez vos mains jointes sur votre
genou droit. Si cela est difficile, ou simplement gênant, placez vos mains à
l’arrière du genou (creux poplité). Les mains reposent passivement et pèsent
du seul poids des bras, sans chercher à appuyer, à exercer la
moindre pression. Appuyer ne ferait que maintenir un excès
d'énergie ascendante (Prana vayu) dans le haut de notre
corps et renforcer ainsi l'agitation mentale dont nous
souhaitons précisément nous libérer.
Alors, la tête peut se soulever lentement, consciemment, en
décollant vertèbre après vertèbre.
Attention, il ne s’agit surtout pas de tourner la tête sur le
côté : la colonne vertébrale doit demeurer bien alignée, y compris dans la
région cervicale.
Le front se rapproche doucement du genou par la mobilisation des
muscles du cou (sterno-cléido-mastoïdiens), tandis qu’ en sens inverse, le
genou se rapproche du front par la sollicitation des muscles abdominaux.
Le but n’est pas que le front et le genou se touchent, mais de pouvoir demeurer
paisiblement et confortablement dans cette posture afin qu’un travail
musculaire réel puisse s’effectuer et que l’esprit puisse se poser. En
respectant impérativement vos possibilités, demeurez le corps stable,
la respiration stable et l’esprit stable. Prenez le temps d’être simplement
et pleinement bien avec vous-même, l’esprit dégagé de tout autre objectif, de
tout stress, en permettant simplement à la posture de produire ses bienfaits en
vous.
Demeurez ainsi, tant que les muscles abdominaux et les muscles du
cou vous l’autorisent : 30 secondes, 45 secondes ou une minute, c’est très
bien.
Puis, tout aussi lentement et consciemment, redescendez, redéposez
chaque vertèbre l’une après l’autre et demeurez à l’écoute de ce qui se passe
en vous, dans votre corps et votre esprit. L’esprit est ouvert, spacieux et
accueille avec bienveillance tout ce qui y apparaît, tout comme une glace
renvoie paisiblement l'image de tous les objets qui viennent s’y refléter. Permettez
simplement à la posture d’agir en évitant que votre esprit n’interfère, ne
commente, ne discourt.
Veillez toujours à commencer par plier le genou droit avant le
gauche, ceci pour comprimer en premier la partie droite de l’abdomen et
stimuler ainsi le péristaltisme dans le bon sens !
Puis, en procédant de la même façon, vous passerez au côté gauche.
Vos perceptions seront sans doute légèrement différentes, prenez le temps de
les ressentir, de les vivre pleinement.
A partir de cette attitude de base il est possible, de rendre la
posture plus tonique, mais il n’y a aucune obligation à cela.
3.1.2. Pour aller plus avant dans la posture
Il
est tout d’abord possible de tendre lentement la jambe qui est restée allongée
en ramenant progressivement les orteils vers le visage (cf. dessin), ceci afin
d’amener un étirement du mollet et de l’arrière de la cuisse (muscles
ischio-jambiers).
Par ailleurs, les personnes qui le souhaitent pourront aussi décoller
les omoplates du sol, en gardant le menton bien abaissé, tout
en veillant à ne surtout pas crisper les mâchoires.
Après avoir pratiqué les deux demi-postures, il convient
d’examiner la posture complète.
3.2. Pavana Muktasana
Pliez tranquillement un genou, puis l’autre et ramenez les
vers la poitrine par la seule sollicitation des muscles abdominaux. Puis, posez
les mains détendues sur les genoux. Soulevez la tête.
Soulevez
la tête.
La colonne vertébrale se trouve ainsi enroulée par le bas (région
lombaire) et par le haut (région cervicale).
Une fois la posture installée, la concentration se place au niveau de
l’abdomen (nombril).
3.3 les
erreurs fréquemment commises
En abordant cette posture on pourrait être tenté, bien malgré soi,
de reproduire les travers qui nous handicapent dans notre vie quotidienne.
Sans y prendre garde, nous risquons de sur-solliciter le haut de
notre corps :front plissé, sourcils froncés, mâchoires serrées, nuque
raide, épaules bloquées, thorax rigidifié, souffle court.
Pratiquer correctement Pavana
Muktasana c'est donc se donner la possibilité de se libérer de
ces conditionnements.
Voici les principales embûches à éviter :
. S’agripper à sa jambe comme à un radeau
Dès lors qu’on place les mains sur les genoux, on est tenté de s’y
accrocher comme si on était en perdition. Or, dans Pavana Muktasana ce
sont les muscles abdominaux qui doivent être mobilisés pour rapprocher les
genoux de la poitrine. Les bras ne doivent pas être sollicités pour pallier la
faiblesse de la sangle abdominale. On veillera donc particulièrement à
fortifier la musculature du ventre, tout en laissant délibérément les bras et
les épaules au repos.
Si on a un doute concernant la crispation des bras, on peut
soulever légèrement les mains du genou : si celui-ci garde sa position
initiale c’est qu’on ne forçait pas en appuyant dessus.
. se rigidifier complètement
Une erreur fréquente consiste à penser que "puisqu'on
est là pour faire des efforts, autant y aller franchement !" Cette
mobilisation excessive conduit à une crispation généralisée .
Pour éviter cet écueil, il importe de connaitre exactement les muscles qui
doivent être sollicités et d'être continuellement à l'écoute de ses
sensations.
. bloquer sa respiration
Habitués que nous sommes à respirer de façon incorrecte dans notre
vie quotidienne, nous risquons de reproduire et d'accentuer ce
dysfonctionnement lors de l'adoption de la posture.
Si nous n'y prenons pas garde, ce blocage va s’installer en trois
étapes. Tout d’abord, comme les muscles abdominaux sont contractés, on est
tenté de s’empêcher de respirer par le ventre. Puis, en appuyant inutilement
avec les mains sur le genou, on bloque le tronc, entravant ainsi la respiration
thoracique. Enfin, en contractant les épaules on parvient à gêner même la
respiration sous-claviculaire. Ainsi, en vingt secondes à peine, on halète, on
s’épuise, on se sent mal, et on redescend essoufflé !
Il est donc essentiel de préserver constamment une respiration
consciente et complète. Le maintien de la concentration au niveau du nombril
durant toute la phase statique de la posture va d'ailleurs nous y aider
pleinement.
Quand on prend conscience que l'on tombe dans un de ses écueils,
il serait utile de se dire : " Tiens, ce que je suis entrain de faire là
me renseigne sur ma façon habituelle de me comporter. Dans ma vie quotidienne,
je me coupe de ma respiration complète, je sur-sollicite telle partie de mon
corps, je me bloque physiquement et mentalement." Dès lors, la
conscience de mes erreurs devient un enseignement. En m'abstenant de
ces égarements lors de la tenue de la posture, j'apprends à faire autrement,
j'initie un autre mode de fonctionnement. Cette expérience positive va
laisser une trace dans mon esprit qui me permettra, à force de
patience et d'écoute de soi, de développer une attitude plus protectrice
au quotidien.
4. les
bienfaits multiples de la posture
Pavana Muktasana constitue une posture de base du Yoga. Elle est très
largement accessible et dispense de très nombreux bienfaits.
4.1. la
régulation d’Apana Vayu
Pavana Muktasana assure une bonne distribution d’Apana Vayu et contribue
ainsi à réguler des fonctions de base de l’organisme : l’élimination des
déchets et la reproduction :
. elle favorise le bon transit intestinal et
permet ainsi de prévenir la constipation;
. elle permet l’évacuation des gaz présents dans l’intestin ;
. grâce à la combinaison de la respiration complète et de la
compression de la cavité abdominale, tous les viscères abdominaux (foie,
estomac, pancréas, rate, intestins) se trouvent décongestionnés et vivifiés.
Les bienfaits de la posture s’étendent donc au-delà de la seule élimination des
déchets par l’intestin et la vessie : Pavana Muktasana contribue
au bon fonctionnement général de tout le système digestif et
favorise la production d’insuline, essentielle pour prévenir l’apparition du
diabète.
. elle permet le bon écoulement des règles, ce qui en fait une
posture très importante pour les personnes qui souffrent de dysménorrhées.
En outre, elle soulage les douleurs menstruelles et stimule le
bon fonctionnement des ovaires,
. elle constitue, sur le long terme, une excellente préparation
à l’accouchement.
4.2. le
renforcement musculaire
La posture mobilise la musculature de l’abdomen et du cou, ce qui
contribue à les fortifier puissamment.
Une sangle abdominale solide est indispensable non seulement pour
assurer une bonne digestion, mais aussi pour permettre le placement correct du
bassin et éviter ainsi le mal de dos.
Le renforcement des muscles sterno-cléido-mastoïdiens, situés
latéralement, à droite et à gauche du cou, assure une grande mobilité à
notre tête, nous permettant de la tourner sur les cotés, mais aussi de
pointer le nez vers le plafond (extension) ; par ailleurs, ces muscles
nous permettent de soulever le sternum et la partie interne de la clavicule, ce
qui autorise la respiration
haute (cf. notre article sur la respiration). En tant que
muscle inspirateur accessoire, le muscle sterno-cleido-mastoidien joue donc un
rôle essentiel car la respiration haute constitue pour nombre de nos
contemporains, qui ne pratiquent malheureusement pas le Yoga, la seule
respiration qu'ils parviennent à mettre en oeuvre (en l’absence de la
respiration abdominale et thoracique).
4.3.
l’étirement musculaire
La musculature dorsale se trouve étirée sur toute sa longueur, ce
qui contribue puissamment à éliminer la raideur du dos. Cette
action est particulièrement bénéfique pour la région cervicale et le haut du
dos qui sont souvent le siège de contractures musculaires importantes. La
dissolution de ces tensions contribue très fortement à l’installation d’une
sensation de détente et de bien-être généralisée.
Par ailleurs, l’étirement des muscles du bas du dos et du nerf
sciatique soulage les lumbagos.
Les muscles ischio jambiers, situés à l’arrière des cuisses, sont
étirés eux aussi. Rappelons qu’en raison de notre mode de vie sédentaire, ces
muscles ont tendance à se rigidifier. Aussi, la posture, en assurant
un étirement doux de cette région rendra à ces muscles leur souplesse
naturelle.
4.4. la détente mentale
Grâce au brassage puissant de la cavité abdominale, le plexus
solaire se trouve décongestionné. Pavana Muktasana s’avère
ainsi un excellent antidote à l’anxiété, à la nervosité et au stress.
Bien souvent, d’ailleurs, un bâillement se déclenche involontairement après
avoir adopté cette posture durant une minute.
4.5. la mobilisation articulaire
Grâce à Pavana Muktasana, la mobilité de la hanche se
trouve favorisée, ce qui contribue à préserver une bonne locomotion.
En outre, l’enroulement de la colonne vertébrale lui assure une bonne souplesse
et permet la propagation correcte des influx nerveux.
4.6. des
effets esthétiques non négligeables
Le massage puissant suscité par la respiration profonde contribue
à éliminer l’excès de graisse qui peut se déposer sur l’abdomen, ainsi
qu’autour des hanches. Pavana Muktasana contribue ainsi à
préserver une silhouette longiligne.
5. des
contre-indications en nombre limité
Les contre-indications sont assez évidentes, mais nous n’aurons
pas peur de les énoncer ici !
On s’abstiendra donc de prendre Pavana Muktasana dans les trois cas suivants :
. éventration
Là encore, dans un tel cas de figure, le bon sens recommande le
repos et l’immobilité.
Les femmes enceintes pourront avec grand soulagement effectuer
cette posture en écartant les genoux afin de laisser de la place pour le bébé.
CONCLUSION
Pavana Muktasana prendra rapidement une place de choix dans votre pratique du
Yoga compte tenu de ses immenses bienfaits, de son caractère universel et de sa
simplicité.
De plus c’est une posture très plaisante à adopter et qui ne
demande pas de préparation préalable. On pourra ainsi la prendre pour se
détendre simplement après une longue journée bien chargée.
Je vous souhaite une excellente pratique.
Christian Ledain
Bibliographie
. M. Mahesh Ghatradyal (cf. revue Yoga et Vie N° 53 de septembre 1987)
.
. Louis Frédéric, « dictionnaire de la civilisation
indienne », chez Robert Laffont, 1987