Libération d'un neurotransmetteur entre deux neurones |
Pavana muktasana est une
posture fondamentale du Hatha Yoga que nous avons présentée dans un article
précédent. Cette asana est particulièrement réputée pour ses bienfaits sur
notre humeur et sur le fonctionnement de notre ventre.
Les découvertes scientifiques
récentes donnent maintenant une explication à cette double action bénéfique.
Il n’est, certes, pas
indispensable de maitriser des connaissances scientifiques approfondies en
matière médicale pour pratiquer correctement le Hatha Yoga. Néanmoins, posséder
certaines notions de base à propos du fonctionnement de notre corps nous permet
de ne pas suivre les propos fantaisistes d’un « maitre » illuminé. Par
ailleurs, ces connaissances nous aident à mieux prendre soin de notre corps et
à mettre en œuvre les postures de façon plus juste.
1. 1. Une conception scientifique révolue
Jusqu’au siècle dernier la
science occidentale établissait une césure bien nette entre notre tête et notre
ventre. Le cerveau était perçu comme le siège des émotions, des sentiments et
de la pensée. Au ventre, était délaissée l’ingénierie : la digestion et
l’élimination des déchets de l’organisme.
Les deux entités étaient bien identifiées, mais conçues comme séparées
l’une de l’autre.
Pourtant, les métaphores de notre
langage populaire exprimaient bien ce que tout un chacun ressent spontanément,
à savoir que ce cloisonnement n’est pas si étanche qu’il y parait. Ne dit-on
pas qu’il nous arrive de prendre des « décisions viscérales », comme
si on pensait aussi avec notre ventre ? Ne se sent-on pas parfois
« l’estomac noué » par le trac, comme si des émotions fortes se
répercutaient dans notre abdomen ?
Sans parler, bien sûr, des fois où nous avons « la peur au
ventre » ? Nous avons tous fait ces expériences qui montrent qu’abdomen
et cerveau ne sont pas étrangers l’un à l’autre, mais interfèrent l’un avec
l’autre.
2. 2. La découverte du système nerveux entérique
La science contemporaine
a découvert qu’à l’intérieur de notre abdomen résident 200 millions de neurones. Ces cellules
nerveuses tapissent la paroi de notre
intestin. Ce volume n’est pas quantité négligeable puisqu’ il représente la
taille du cerveau d’un de nos animaux de compagnie, tel un chien, ou un chat.
Pour
désigner ce réseau de neurones, on parle de « système nerveux entérique »,
afin de le différencier de notre système nerveux central composé de l’encéphale
et de la moelle épinière. En raison du rôle essentiel que joue cette structure,
le langage populaire le dénomme souvent « deuxième cerveau ». Son étude fait l’objet d’une nouvelle
discipline médicale, en pleine expansion, la neurogastroentérologie.
L’échange
d’informations entre notre ventre et notre tête se fait par l’intermédiaire du
nerf vague qui les relie l’un à l’autre et par le biais des neuromédiateurs.
Les neuromédiateurs
sont des substances chimiques qui permettent aux cellules nerveuses, appelées neurones,
de communiquer entre elles. Il existe de très nombreux neuromédiateurs,
parmi lesquels la sérotonine.
Cette sérotonine
est présente dans la muqueuse intestinale, dans notre système nerveux central
(cerveau et moelle épinière) et dans notre sang (les plaquettes sanguines). Ce
qui est tout à fait remarquable c’est que notre
intestin produit 95 % de cette sérotonine. On peut ainsi aisément
comprendre qu’un dysfonctionnement de notre ventre peut affecter la production
de cette substance et donc avoir des répercussions négatives sur notre cerveau.
Les scientifiques
ont découvert que cette substance joue deux rôles fondamentaux : elle agit
sur nos intestins, ainsi que sur nos émotions, nos états d’âme. La sérotonine
intervient ainsi dans le transit
intestinal : quand la sérotonine baisse, le transit dans l'intestin grêle
et le colon devient plus lent.
Inversement, quand la sérotonine augmente, le transit intestinal s’accélère.
En parallèle,
la sérotonine agit sur notre caractère.
Ainsi, un faible taux de sérotonine s’accompagne d’une augmentation de l'agressivité et de l’anxiété. Ce qui est très intéressant,
c’est que cette relation s’établit dans les deux sens : non seulement le
taux de sérotonine influence l'humeur, mais réciproquement, des pensées
positives ou négatives influencent à leur tour le taux de sérotonine.
Ces découvertes
scientifiques récentes sont riches d’enseignement.
Elles nous
apportent la preuve – s’il en était besoin -
que notre corps et notre esprit ne sont pas séparés. Des relations
constantes existent. De plus, on comprend que
la maîtrise du corps peut conduire à un meilleur fonctionnement de l’esprit.
Inversement, la maîtrise de l’esprit
permet un meilleur fonctionnement du corps.
Bien sûr, cette
interrelation était connue des pratiquants du Yoga depuis très longtemps. Mais,
ces découvertes peuvent être très utiles à des esprits épris de rationalité et les inciter à se tourner avec enthousiasme vers la pratique du Yoga.
3. Comment obtenir la plénitude des bienfaits de
Pavana muktasana
Pavana muktasana est renommée pour ses excellents effets sur
le système digestif et sur nos émotions.
Ainsi, comme
chacun de nous peut l’expérimenter, Pavana
muktasana facilite l’assimilation des nutriments et favorise le
péristaltisme.
Pavana muktasana procure aussi beaucoup de joie, ainsi qu’un
solide encrage dans le monde réel. La posture est particulièrement recommandée
pour lutter contre les effets du stress
et les troubles de l’humeur : irritabilité, anxiété, état dépressif.
Pour obtenir
de tels bienfaits de cette asana, il convient toutefois de respecter certains
principes fondamentaux qui sont parfois malmenés par les pratiquants :
· La digestion doit être terminée, et la
vessie et l’intestin doivent être vidés préalablement. Bien sûr, une telle recommandation
n’est pas spécifique à cette posture.
· la respiration abdominale doit être déployée
pleinement, ce qui induit un massage
profond et puissant de l’abdomen.
· l’attention doit être gardée sur la
région du ventre durant la phase
statique de la posture
· la posture doit être conservée suffisamment longtemps. Chacun agira avec ses capacités physiques et mentales du moment. On peut cependant recommander la mise en œuvre préalable des deux demi postures préparatoires (Ardha Pavana muktasana).
Ardha Pavana Muktasana |
Par ailleurs, la posture complète devrait
être conservée suffisamment longtemps pour que l’on sente le brassage puissant
de tout le contenu de la cavité abdominale. Ce n’est d’ailleurs pas une hérésie
de mettre en œuvre cette posture une seconde fois au cours d’une séance
d’asanas.
Pavana Muktasana |
CONCLUSION
Les Yogis
authentiques n’ont pas besoin de la science contemporaine pour se convaincre des
bienfaits de leur discipline puisqu’ils les éprouvent directement et qu’ils ont
une connaissance intuitive des phénomènes.
Pour nous,
dont les capacités sont plus limitées, les découvertes scientifiques sont très
utiles. Elles nous permettent de nous tenir à l’écart d’enseignants illuminés,
au discours fumeux et dépourvu de rationalité. Elles nous aident aussi à
renforcer notre détermination à pratiquer le Yoga afin de nous libérer de nos
difficultés physiques et mentales.
Gageons que la neurogastroentérologie viendra, après beaucoup d’autres disciplines médicales,
apporter des preuves supplémentaires des bienfaits d’une pratique authentique
du Yoga !
Christian
Ledain