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Phase finale
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La posture montrée ci-dessus possède un nom sanskrit, Utkatasana, dont la signification est très simple. Pourtant, elle est, la
plupart du temps en Occident, désignée par un sobriquet un peu réducteur,
« la chaise yoguique ».
L’appellation « chaise yoguique »
met l’accent sur l’aspect extérieur, apparent de la posture. Le
pratiquant donne, en effet, l’impression d’être assis sur une chaise
imaginaire, le dos bien droit. Réduire la posture à cette seule acception revient à
se borner à faire de la culture physique. Certes, faire de la gymnastique permet d’obtenir un corps souple et musclé, mais nullement d’atteindre des
résultats réellement consistants, tels qu’un excellent état de santé, un grand
dynamisme, une joie de vivre rayonnante, et ce, même à un âge avancé. Il faut toujours garder à l'esprit que les yogis ont un sens pratique très développé : tant qu’à faire quelques
efforts, autant que cela soit pour obtenir de grands bienfaits !
En Sanskrit, « utkata » signifie « sauvage », « furieux ».
Utkatasana désigne ainsi « la posture sauvage », ou encore « la
posture furieuse». Bien sûr, une telle désignation nous apparait de prime abord obscure et nécessite
quelques explications.
Ce caractère hermétique
du nom de la posture ne constitue nullement une carence, une lacune de la
discipline : c’est un voile délibérément placé sur la connaissance pour
empêcher que des esprits souillés, ou superficiels, ne puissent y accéder. Le
secret qui enveloppe certains aspects du Hatha Yoga constitue
ainsi une véritable sécurité interne : il empêche qu’une personne
dont l’esprit ne serait pas mûr ne puisse se servir de l' enseignement pour en mésuser, nuire
à autrui ou à soi-même, et finalement ne vienne corrompre la discipline.
Pour éviter que la pratique du Yoga ne tombe en de mauvaises mains, l'enseignant s'assure que ses élèves disposent des qualités nécessaires. Il veille aussi à rappeler inlassablement les principes éthiques qui sous-tendent le Hatha
Yoga. Voilà pourquoi chaque séance doit commencer par un temps
de recueillement au cours duquel chacun génère une excellente
motivation: l'aspiration à se libérer de toute forme de souffrance et à contribuer au bien de tous les êtres. La
plupart du temps, générer de telles pensées excellentes est insupportable aux esprits malveillants, ou superficiels, ou encore trop pressés, et suffit à leur faire quitter la salle !
Il nous est donc maintenant possible d’éclaircir le
nom d’Utkatasana.
Dans cette posture, l'adepte dispose son corps de façon particulière et procède à
une contraction musculaire particulière (appelée Mulabandha), qui favorise l'activation d'une énergie puissante au bas de la colonne. Mais il ne doit pas se contenter de cela car l'apparition de cette énergie pourrait s'avérer dangereuse comme le laisse entendre le nom de la posture (posture sauvage ou furieuse). Cette énergie doit être transmutée
par l’esprit tourné vers la réalisation du bien.
Ainsi, animé par une excellente
motivation, soutenue par une bonne concentration, l’adepte aspire à utiliser cette énergie pour atteindre les résultats qu’il s’est fixé en début
de séance : un très bon état de santé, le développement de grandes qualités, ainsi que le déploiement de capacités
particulières, appelées « pouvoirs yoguiques ». Ainsi, quand cette énergie se trouve activée correctement et qu'elle sert à l'accomplissement d'excellentes activités, elle perd tout caractère dangereux.
Pour que vous puissiez pratiquer en toute sécurité et obtenir
les grands bienfaits d’Utkatasana,
nous allons maintenant vous donner toutes les recommandations nécessaires.
1. Prise de la posture
Au départ, la personne se tient debout, les deux pieds
plaqués l’un contre l’autre, les mains placées en salut (Namaskarasana). Le bassin se trouve basculé, et donc les muscles
fessiers et abdominaux sont fortement contractés. Grâce à l’antéversion du
bassin, les pieds sont fermement enfoncés dans le sol, ce qui procure à la
personne une sensation d’enracinement, d’ancrage physique, condition préalable
à l’installation de la stabilité mentale.
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Namaskarasana |
Sur une inspiration, l’adepte élève
les mains et tend les bras. Durant cette élévation, la personne demeure
concentrée au niveau du nombril et veille ainsi à ne pas transférer son centre de gravité vers le haut.
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phase intermédiaire
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Lorsque les bras sont tendus, les
paumes plaquées l’une contre l’autre, l’adepte veille à bien abaisser les
épaules afin de mobiliser fermement la musculature du haut de son dos, entre
les omoplates. Le menton est repoussé en arrière. Ainsi tout l’arrière du corps
est vigoureusement aplati, ce qui engendre une mobilisation musculaire intense.
La personne fléchit alors les genoux
en veillant à garder les talons au sol et à ne pas creuser la région
lombaire, ni à incliner le tronc vers l’avant.
Attention ! Il ne faudrait pas
que la posture soit conservée de façon molle, passive. L’engagement
physique doit, en effet, être intense afin que la posture puisse produire
pleinement ses bienfaits physiques et énergétiques.
Pour atteindre ce résultat, l’adepte
fait comme s’il voulait ficher la pointe de son coccyx dans le sol, tout en
repoussant le plafond avec le sommet du crâne. La conjonction de cette
double force, exercée concomitamment vers le haut et vers le bas contribue à l’activation
de l’énergie (cf. le dessin ci-dessous).
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phase finale
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Enfin, une fois le corps immobilisé, il convient de contracter le périnée, action qui s'appelle mula bandha (verrou de la base).
Une fois la posture ainsi réalisée, l'adepte veille à respirer amplement, essentiellement par l'abdomen, et maintient son attention sur la contraction du périnée.
2. Quitter la posture
Comme pour toute posture, la sortie s'avère aussi importante que l'entrée. Aussi, quand la fatigue physique se présente, ou que la fatigue mentale fait son apparition (distraction), il importe de quitter Utkatasana. Ceci doit se faire de façon méthodique, en mobilisant d'abord le haut du corps pour aller ensuite vers le bas : on replace donc les mains en salut devant la poitrine, puis on retend les jambes, en relâchant le périnée. On accomplit alors quelques mouvements très fluides du corps pour se délasser.
3. Caractéristiques générales
Il n’existe pas de contre-indication particulière pour cette posture. Par ailleurs, sa simplicité technique la rend très largement accessible, ce qui lui confère un caractère universel.
De plus, cette absence
de difficulté physique va favoriser la focalisation de l'esprit sur la contraction du périnée, permettant ainsi de canaliser le flux de
ses pensées et de développer la concentration.
Enfin, l'adepte fait l’expérience de sa grande liberté en modulant à loisir l’intensité de sa pratique.
4. Erreurs à ne pas commettre
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Les trois erreurs à ne pas commettre
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Le dessin figurant ci-dessus montre ce qu'il ne faut pas faire. Il est important de ne pas plier excessivement les
jambes. En effet, on va alors être tenté d'incliner le tronc vers l'avant. Pour
compenser cette inclinaison, l’adepte va alors creuser de façon exagérée le bas de
son dos et la région cervicale. La colonne vertébrale ne sera donc plus
verticale, ce qui nuira à la bonne circulation des souffles subtils dans les
canaux énergétiques.
Les personnes qui veulent être certaines de disposer leur corps de
façon correcte pourront s'entrainer en se positionnant juste devant un
mur (dessin ci-dessus).
L'ordre d'installation du corps dans Utkatasana se fait de bas en haut :
. Tout d'abord, on laisse un léger espace entre la plinthe et les talons, ce qui ménage de la place pour les fessiers.
. Ensuite, on installe le contact des fessiers avec le mur.
. La bascule du bassin permet de rapprocher le plus possible le bas du dos du mur. Il s'agit de la phase la plus importante.
. Ensuite, on rapproche les omoplates, puis la région cervicale du mur.
. Enfin, les coudes
et les mains seront ramenés en arrière dans la mesure du possible. Il est fort probable qu'on ne parviendra pas à les plaquer contre le mur, sauf à accentuer la cambrure lombaire, ce qui serait une erreur. Souvenons nous toujours, qu'il nous faut rechercher la verticalité de la colonne vertébrale.
Réaliser un tel entrainement contre un mur nous permet d'éviter les erreurs habituelles dans le positionnement du corps. On aura alors la sensation d'une pratique physique très intense et rapidement fatiguante. C'est simplement parce que l'on prend l'attitude correcte !
Comme pour toutes les postures, les bienfaits potentiels sont nombreux.
Les pieds et les jambes sont fortement sollicités et donc vigoureusement tonifiés. Ceci contribue à assurer une meilleure stabilité, un meilleur équilibre de la personne.
L’intense
contraction des muscles des mollets et des cuisses (quadriceps)
provoque une compression des veines profondes des jambes, ce qui
favorise le retour de la circulation veineuse vers le cœur. La posture prévient ainsi efficacement l’apparition de varices. Cette posture est donc particulièrement recommandée aux personnes sédentaires ou qui piétinent beaucoup dans la journée.
Utkatasana s'avère un formidable remède contre le mal de dos qui nous afflige trop souvent.
Pour beaucoup, ce mal de dos découle des mauvaises attitudes corporelles que nous adoptons.
Devenus sédentaires au fil des siècles, nous passons de longues heures au
bureau, le dos appuyé contre un dossier, qui n'est pas vraiment notre ami puisque nos muscles dorsaux s'affaiblissent ainsi. Par ailleurs, nous gardons longtemps le tronc incliné face à notre écran d’ordinateur, ce qui
accentue la voussure dorsale. Enfin, une fois rentrés chez nous, nous nous effondrons
sur un sofa moelleux qui contribue encore à affaiblir notre dos. Rien d’étonnant
donc, à ce que le mal du dos, qui était déjà le mal du
XXeme sècle, continue à être celui du XXIeme !
Heureusement, grâce à Utkatasana, toute la musculature du dos, ainsi que la sangle abdominale, se trouvent renforcées. Grâce au travail physique intense fourni dans la partie haute du corps, Utkatasana nous permet de dissoudre les micro contractures qui s'étaient insidieusement accumulées entre nos omoplates et au niveau de notre nuque.
Les courbes de la colonne vertébrale se voient aussi atténuées grâce à la verticalité de la posture, ce
qui contribue à corriger certaines déviations, telles que l'hyperlordose lombaire et cervicale, ainsi que cyphose dorsale.
6. Maintenir la respiration profonde
Pendant
la tenue de cette posture, on veille à ne pas se couper de la
respiration en trois parties. La conjonction de cette respiration
correcte et du maintien ferme de la sangle abdominale crée une sensation
particulière : une forge semble se mettre en route à
l’intérieur de l’abdomen. Et il importe qu’un soufflet puissant alimente
constamment cette forge afin que le feu se diffuse largement dans tout
l’organisme.
Pour les pratiquants débutants, la
tenue de cette posture durant une minute apportera déjà un grand
soulagement. L’adepte ne s’empêchera pas, après avoir
marqué une petite pause, de revenir dans la posture
plusieurs fois d’affilée. Garder ainsi la posture 3 ou 4 minutes sera
excellent et redynamisera complètement l’organisme.
Comme nous l'avons signalé en introduction, nous cherchons à activer l'énergie de façon douce afin d'en obtenir de grands bienfaits sur notre santé physique et mentale. Il est donc fortement déconseillé de demeurer plus d'un quart d'heure consécutif dans cette posture en tenant fermement le périnée contracté. Il en est de l'énergie comme du feu : un feu doux nous permet de faire cuire notre nourriture, tandis qu'un brasier ravagera tout l'immeuble ! C'est cette énergie douce que nous recherchons au travers de cette posture.
Conclusion
Le
Yoga vise à la réalisation totale du potentiel de l’être humain. Comme
nous l’avons indiqué, la bonne santé physique que procure cette posture
et l’énergie qu’elle éveille en chacun de nous doivent nous servir à
adopter des comportements justes, réaliser des actions qui ont vraiment
un sens et dont nous pouvons vraiment être fiers. La pratique du Yoga
contribue à nous élever, à nous permettre de devenir plus humain, et pas
seulement à être plus productif ou plus performant.
Animé par cet excellent état d'esprit, Utkatasana se révelera un allié très puissant. Pratiquée correctement la posture perdra son caractère potentiellement sauvage et furieux et nous permettra de prolonger notre durée de vie.
Christian LEDAIN,
professeur de la Fédération Française de Hatha Yoga