Le nom de cette posture est constitué
à partir de plusieurs termes sanskrits élémentaires. Ainsi, tripada signifie « les trois
jambes », tandis que trikona
veut dire «triangle » et qu’asana
désigne « la posture ». Tripadatrikonasana
désigne donc « la posture du triangle avec trois jambes ».
Le caractère apparemment surprenant
de ce nom trouve facilement son explication : dans la phase finale de la
posture, les bras sont tendus vers le sol et donnent ainsi l’impression d’un
troisième membre inférieur. Ces « trois jambes » forment un triangle
dont le sommet se trouve placé au niveau du coccyx, siège de la Kundalini.
phase finale pour personne souple |
1 L’attitude intérieure préalable
Avant d’adopter la posture, l’esprit
doit être libéré de toute conception mentale et reposer paisiblement. Ce
résultat est atteint par l’accomplissement en début de séance de deux pratiques
préalables : la purification des canaux (Nadi Shodana), ainsi
qu’une courte méditation.
2 La prise de la posture
21.
La posture de départ
En position initiale, l’adepte se
tient en Namaskarasana. Les deux
pieds sont ainsi plaqués l’un contre l’autre, tandis que le bassin est basculé,
et la concentration placée quatre travers de doigts sous le nombril. Les deux
mains se trouvent en salut devant la poitrine, sans crispation, et la poitrine
est largement ouverte.
Namaskarasana |
22.
Le placement des pieds
Pour comprendre facilement ce qui doit être réalisé on peut
faire un schéma et comparer le positionnement des pieds aux deux aiguilles
d’une pendule.
Au départ, les deux pieds parallèles
indiquent 12h00.
Au départ, les deux pieds indiquent Midi |
Sans faire pivoter le bassin, on
écarte légèrement le pied gauche sur le côté gauche, d’une vingtaine de degrés.
On passe ainsi à midi moins dix.
ouverture du pied gauche sur le coté gauche. Les pieds indiquent midi moins dix |
On avance alors le pied droit
d’une demie enjambée en veillant à ne pas le faire dériver vers la gauche.
Le pied droit avance d'une demie enjambée |
Durant l’ouverture du pied sur le côté gauche et l’avancée
du pied droit on veille à ce que le bassin ne pivote pas, ce qui fausserait
complètement la posture.
23.
Les mains
Les mains, qui sont placées en salut devant la poitrine, s’élèvent
alors au cours d’une inspiration. Les bras se trouvent alors tendus au-dessus
de la tête.
A l'inspiration les bras se tendent au dessus de la tête |
On pousse ensuite le bassin le
plus loin possible vers l’arrière. Puis on laisse le tronc s’incliner vers
l’avant.
Tronc incliné vers l'avant, les mains sont rapprochées du sol |
24.
l’étirement juste
Lorsque le tronc est descendu, on
ne cherche pas « à tout prix » à poser les mains au sol, ni même à « grappiller »
quelques millimètres en voulant aller plus bas. De telles conceptions erronées
seraient issues d’un mental agité. Or, ce « mental agité » a été mis
entre parenthèses en début de séance et on veille à le tenir à l’écart durant
tout le temps de la pratique car son intervention ne ferait que tout fausser.
Les mains se placent donc avec naturel, là où c’est le plus
confortable pour elles : sur le genou, le tibia, la cheville ou sur le
sol. Peu importe. Et ce placement correct des mains permet alors à l’étirement des
muscles d’être pleinement juste.
On prend alors le temps de
laisser la conscience circuler dans les différentes régions situées à l’arrière
du corps, en remontant des talons d’Achille vers la nuque. On prend ainsi conscience
de l’étirement juste au niveau des mollets… à l’arrière des cuisses… au niveau
des fessiers… du bas du dos… du milieu du dos… du haut du dos. Dans toutes ces
régions, l’étirement s’est installé de lui-même. La seule région où cela ne
s’est pas accompli spontanément est la région cervicale. On doit donc alors étirer
volontairement cette région en rapprochant tranquillement le front du tibia.
Le maître-mot qui doit nous guider
à chaque instant est la justesse : justesse du placement du bassin et du
pied avancé ; justesse du positionnement des mains et de l’étirement
généralisé à l’arrière du corps.
De cette justesse découlent la
stabilité physique et le confort, sans lesquels une posture de Yoga ne saurait
exister.
Si l’on est très souple, il est
alors possible de diriger les mains vers le pied gauche demeuré en arrière.
Phase finale de la posture pour une personne souple |
Maintenant que le placement correct du corps a été effectué,
il importe de réguler le souffle.
3 La respiration juste
Réenclenchez alors la respiration
profonde, en trois parties. La jambe droite étant légèrement avancée et le
tronc incliné, cela induit une légère compression du bas de la cavité
abdominale à droite, et donc, une stimulation du système digestif. Vous en
prenez conscience.
Comme l’étirement musculaire dans
le dos n’est pas trop intense cela permet à la respiration d’être pleinement
épanouie. Un étirement excessif nous ficèlerait comme un rôti et entraverait le
déploiement du souffle.
En retour, cette plénitude de la
respiration favorise un travail musculaire optimal à l’arrière du corps. Ceci
s’explique très facilement : l’abdomen se trouvant légèrement comprimé,
l’abaissement du dôme du diaphragme lors de l’inspiration abdominale conduit
mécaniquement à un étirement supplémentaire de la région lombaire. De façon
similaire, l’inspiration thoracique pleinement déployée amène un ample écartement
des côtes, ce qui provoque un étirement supplémentaire des muscles dorsaux.
De façon surprenante, c’est parce qu’on n’a pas cherché
particulièrement à descendre bas qu’on est parvenu à réaliser un étirement
musculaire optimal. On perçoit ainsi très bien l’interdépendance des aspects
physiques, respiratoires et mentaux dans la pratique du Yoga.
4 l’attitude mentale juste
Dans la phase statique de la
posture, l’esprit est laissé au repos, détendu, c’est-à-dire libre à l’égard
des conceptions mentales qui s’élèvent spontanément dans l’esprit. On se déprend
d’elles, ce qui leur permet alors de revenir se dissoudre dans l’esprit, d’où
elles avaient émergé.
Ainsi, à chaque instant, l’adepte
prend pleinement conscience du placement de son corps, de ses sensations et de
tout ce qui s’élève dans son esprit. Tous ces phénomènes sont perçus distinctement,
sans que l’on cherche à les retenir ou à les chasser. Ainsi le pratiquant
enregistre les multiples sensations qui, à chaque instant, s’élèvent, se
déploient, puis se dissolvent, tout comme un promeneur, sur le bord d’une
rivière, contemple l’eau qui passe, en perpétuel changement, aussitôt remplacée
par une eau renouvelée.
On peut placer l’attention au point situé à la pointe du
coccyx. On fait alors comme si on voulait pointer cette zone vers le plafond.
La stimulation du premier centre d’énergie (Muladharachakra) se trouve ainsi effectuée.
5 Demeurer et quitter la posture
Combien de temps demeurer dans la
posture ? Pour une personne débutante, on dira 1 minute. Pour une personne
plus avancée, cette question n’aura pas vraiment de sens. Constamment à
l’écoute de ses sensations, elle sent la fatigue s’approcher lentement, se
déployer progressivement. A un moment donné, son corps lui fait sentir
« que cela suffit ». L’esprit enregistre cette information et
interrompt tranquillement la posture.
Si l’on a plus particulièrement
besoin de détente, on remontera les bras ballants, la tête pendante, en
savourant le bien-être, tandis que les vertèbres s’empilent les unes sur les autres.
Mais, si on a besoin de quelque
chose de plus tonique, le ventre bien ferme, on remontera alors en tendant vigoureusement les deux bras au-dessus
de la tête.
On reviendra alors dans la
posture initiale, Namaskarasana.
Namaskarasana |
Au bout de quelques respirations
on adopte, l’autre demie-posture, en avançant cette fois-ci le pied gauche.
6 Effets positifs
Les effets bénéfiques de cette posture sont nombreux. Nous
allons les citer en remontant du bas vers le haut du corps.
·
Fortification des pieds et des jambes.
Durant toutes les phases de la
pratique (installation, phase staique, sortie), la posture requiert un
excellent équilibre physique. Les muscles des pieds sont ainsi fortement
mobilisés pour assurer cette stabilité.
Dans la phase statique,
l’étirement des mollets et des ischio-jambiers, combiné à la contraction du
tibial et des quadriceps, assurent un renforcement complet de la musculature
des jambes.
·
prévention de l’apparition des varices
L’étirement intense des muscles des jambes comprime les
veines et favorise le retour du sang vers le cœur. La posture prévient ainsi
efficacement En favorisant ainsi la
circulation veineuse dans le bas du corps, la posture prévient ainsi
efficacement l’apparition des varices.
·
Soulagement de la constipation.
L’avancée de la jambe, combinée à
l’inclinaison du tronc, produit une compression d’un côté du bassin et du bas
de la cavité abdominale correspondante. Il en résulte une stimulation du
travail intestinal. Rappelons qu’on commence toujours par avancer le pied droit
afin d’agir dans le sens du péristaltisme.
·
Soulagement des lumbagos.
L’étirement du bas du dos,
particulièrement intense dans la phase finale de la posture, introduit un
espace au niveau des disques intervertébraux de la 1er vertèbre
sacrée et des 4e et 5e vertèbres lombaires. De plus,
comme le tronc se trouve incliné vers l’avant, temporairement, ces vertèbres
n’ont plus à supporter le poids du tronc, ce qui soulage considérablement le
bas du dos.
·
Assouplissement du tronc
Un mode de vie sédentaire, de
longues heures passées devant un clavier d’ordinateur, à effectuer des gestes
étroits, limités aux seuls mouvements des doigts, conduisent insidieusement les
personnes à rentrer les épaules, vouter le haut du dos et à se replier
physiquement sur soi.
Tripadatrikonasana contribue fortement à éliminer la rigidité du
tronc et à se libérer des tensions physiques accumulées dans le haut du dos.
·
L’atténuation des rides
L’inclinaison du tronc facilite
l’irrigation des vaisseaux sanguins du visage, ce qui atténue les rides et
réduit les effets du vieillissement des cellules du visage.
·
L’oxygénation générale de l’organisme
La position inclinée du tronc
vers l’avant, sous l’effet de la gravitation, facilite la circulation des
fluides présents dans la cavité du bassin et de l’abdomen. Ils reviennent ainsi
vers le haut du corps. Le sang veineux qui pouvait stagner dans l’abdomen se
trouve redirigé vers le cœur. Cette amélioration de la circulation veineuse se
combine à une dynamisation de la circulation lymphatique.
En améliorant ainsi, comme nous
l’avons détaillé, la circulation sanguine dans les jambes, le bassin,
l’abdomen, le tronc et la tête, Tripadatrikonasana
assure une oxygénation générale de
l’organisme.
7 Des contre-indications en nombre limité
Ces contre-indications relèvent du bon sens.
·
Tendinite du talon d’Achille
Rappelons que la tendinite constitue
une inflammation du tendon. Ce tendon étant lui-même une sorte de corde
« tendue », constituée de fibres de collagène, qui relie un os et un
muscle.
·
Déchirure musculaire au niveau du mollet ou de
l’arrière de la cuisse.
·
lumbago aigu.
La posture amène un étirement intense.
Elle contribuera à éviter la réapparition du lumbago. Par contre, Lorsque le lumbago est bien là et que la douleur est
présente, il convient de s’abstenir de pratiquer Tripadatrikonasana. En effet, le disque intervertébral qui a été
endommagé doit d’abord être réparé avant d ‘envisager de prendre cette posture.
Par contre, une fois le lumbago
disparu, Tripadatrikonasana sera
intégré dans une pratique hebdomadaire pour prévenir la récidive et éviter
l’installation d’un mal chronique.
Tripadatrikonasana viendra
ainsi prendre place avec d’autres
postures telles que Pavanamuktasana
et Shalabasana (voir nos deux articles
consacrés à ces postures) dans une séance spécifique anti mal de dos.
Une personne connaissant la
faiblesse de sa région lombaire pourra avec profit recourir à Tripadatrikonasana, mais elle
n’inclinera le tronc que modérément, plaçant les mains sur le genou qui est avancé,
en s’empêchant d’aller plus bas.
8 Les erreurs à ne pas commettre
Les erreurs fréquemment commises proviennent tantôt de
l’inattention, tantôt de l’incompréhension de la pratique.
·
Faire pivoter le bassin
Certaines personnes, en ouvrant
le pied gauche sur le côté gauche, font pivoter le bassin dans cette direction.
Cette erreur, même légère, vient fausser la posture. En effet, quand le tronc
s’inclinera, le front ne sera pas alors placé devant le genou avancé, mais aura
dévié vers la gauche. Les deux fessiers ne seront plus à la même hauteur.
Quand on prend conscience de cette erreur, on reprend
simplement la posture au début.
·
le placement incorrect du pied
C’est l’autre erreur le plus
fréquemment commise. Par inadvertance, au lieu d’avancer le pied en face de
soi, on le fait dériver un peu vers la gauche. Cela conduit aux mêmes
conséquences que la première erreur et le remède est identique.
Les deux pieds sont placés sur la même ligne : l'équilibre est compromis |
·
une mauvaise compréhension de la pratique
Cette troisième erreur consiste à
croire qu’il faut descendre le plus bas possible, peut-être même toucher le sol
- devenu le Saint Graal - alors qu’on n’y parvient manifestement pas !
Alors, on empoigne la jambe, on tire, on agite son esprit, au lieu de le
laisser reposer. Et on corrompt complètement la pratique par les errements d’un
esprit non régulé.
L’esprit doit être neutre, détendu, indifférent au placement
des mains. Si les mains touchent le sol, on l’accepte, on n’en tire aucun
orgueil. Si elles ne peuvent se poser que sur le genou avancé, on ne se sent
pas dévalorisé pour autant. L’essentiel n’est pas là.
Le pratiquant doit avoir très
clairement à l’esprit que la posture ne constitue qu’un support de
concentration. Tant que ceci ne sera pas actualisé tout ce qui sera accompli
physiquement sera frelaté.
CONCLUSION
Tripadatrikonasana dispense de nombreux bienfaits qui en font une
grande posture. Dans une séance, elle trouve tout naturellement sa place après
les Salutations au soleil. Elle précède
généralement une autre posture qui amène un engagement physique plus intense Virabhadrasana, le Guerrier) avant de
passer au sol, allongé sur le dos.
Dans Tripadatrikonasana, à chaque instant, l’adepte prend pleinement
conscience du placement de son corps, de ses sensations et de tout ce qui
s’élève dans son esprit. Tous ces phénomènes sont perçus distinctement, sans
que l’on cherche à les retenir. Ainsi le pratiquant enregistre ses sensations
qui s’élèvent, se déploient, puis se dissolvent, tout comme un promeneur, sur
le bord d’une rivière, contemple l’eau qui passe, en perpétuel changement,
aussitôt remplacée par une eau renouvelée.
Christian Ledain