mardi 10 juin 2025

Shalabasana – La Sauterelle - ANTI MAL DE DOS

La vie constitue notre bien le plus précieux. Et si notre santé vient à être compromise nous sommes bientôt prêts à renoncer à nos possessions matérielles, notre statut ou à notre pouvoir. Cette vie est précieuse par nature, même si elle ne se suffit pas à elle-même. Sans elle il ne nous serait pas possible d’accomplir toutes les actions méritoires qui lui donnent son sel. Cette vie doit donc être constamment protégée, soutenue, préservée.
Le Hatha Yoga constitue un savoir irremplaçable, jamais égalé, pour entretenir et fortifier notre existence. En cela c'est un trésor incomparable qui nous aide au quotidien.

Parmi les innombrables postures que compte le Yoga, il en est une, merveilleuse, Shalabhasana, qui constitue un remède souverain à nombre des maux physiques et mentaux qui nous affligent, nous Occidentaux : le stress, l’anxiété, la sédentarité, le mal de dos. L’esprit de compétition et la quête constante de la rapidité nous éloignent à chaque instant un peu plus de nous-même. Cependant, faute de pouvoir changer le système dans lequel nous baignons, il nous est possible de prendre soin de nous en rétablissant constamment l’équilibre et l’harmonie dans notre corps et notre esprit, grâce au Yoga.

Pour profiter pleinement des bienfaits de Shalabhasana il est nécessaire de l’étudier en détail, d’en décrire la technique, mais aussi d’en préciser les nombreuses vertus. De cette façon, on ne passera pas notre chemin en méconnaissant l’existence de ce joyau. Nous pourrons ainsi pratiquer le cœur empli de reconnaissance envers ces Rishis, ces sages ancestraux qui, en méditation profonde, ont pu percevoir le Yoga et nous le transmettre pour nous aider à vivre mieux.


1.       REVENIR A L’ESPRIT DE LA DISCIPLINE
La posture, bien comprise, ne comporte absolument aucune difficulté matérielle, ni même aucun danger. Elle est accessible à tout le monde : enfants, adultes, personnes âgées, minces ou en surcharge pondérale…. Bien sûr, comme pour toute posture, il y a moyen de rendre l’approche plus ou moins audacieuse : selon nos capacités et de nos besoins, on adoptera telle ou telle variante impliquant un engagement physique plus ou moins intense. Mais l’essentiel n’est pas là, dans cette recherche de la difficulté technique. Bien au contraire !

Shalabhasana, comme tout exercice de Hatha Yoga, pourrait devenir redoutablement dangereux si on l’abordait avec un état d’esprit erroné. De même qu’il serait déraisonnable de tirer les moustaches d’un tigre endormi, il serait tout aussi fou d’aborder Shalabhasana l’esprit empreint de conceptions fausses. Quelles sont ces idées erronées dont il convient de purger notre esprit ? Précisément, celles qui imprègnent notre société moderne : la quête de la performance, la maximisation du profit, l’esprit de compétition. Appliquée à Shalabhasana, une telle déviance conduirait à chercher à monter les jambes le plus haut possible, à tout prix, l’esprit tendu vers ce résultat. Or, si les règles de gestion économique ont pleinement fait leur preuve auprès des entreprises, elles deviennent catastrophiques dans la relation avec soi-même : notre vie n’est pas un business !

Voilà pourquoi il est indispensable avant toute séance de Yoga d’effectuer un bref retour vers soi. Il n’est pas possible de pratiquer correctement sans passer par ce sas de décontamination où l’esprit renonce à son mode de fonctionnement ordinaire, conditionné. On va ainsi prendre quelques instants pour se remémorer la motivation juste, pacifique, positive qui nous inspire. On va se souvenir qu’on pratique pour développer nos capacités physiques, intellectuelles, morales et spirituelles ; pour devenir, en fin de compte, un être humain totalement épanoui.

Une fois que cet état d’esprit ravivé et stabilisé, il sous-tend alors chaque instant de notre pratique. Dès lors, tout ce qui est accompli, la plus petite chose, devient alors juste et bénéfique. C’est cette attitude intérieure correcte qui fait vraiment le niveau d’un pratiquant et non sa souplesse, sa musculature ou le nombre d’années qu’il a passé à transpirer sur le tapis !

Maintenant que vous avez pleinement en tête l’importance toute relative de la technique, il est possible de l’aborder tranquillement.

On décrira tout d’abord Ardha-Shalabhasana, la demi-sauterelle avant d’examiner Shalabhasana, la sauterelle complète.


2.       ARDHA SHALABHASANA


·         Attitude de départ
On commence par s’allonger à plat ventre, les bras tendus le long du corps, les paumes en contact avec le tapis. Le front repose tout d’abord au sol afin de bien dégager les filets nerveux de la région cervicale.
Puis, on fléchit les bras. L’importance de la mobilisation des bras est à ce point déterminante que le nom de la posture attire notre attention sur elle. Comme on le sait, Shalabhasana désigne, en sanscrit, la sauterelle. Cet animal possède des pattes arrière tellement puissantes qu’elles lui permettent de soulever son corps et de décoller ainsi du sol. Nous n’allons certes pas effectuer des bonds dans la salle, mais retenons cette idée essentielle : l’appui sur les mains doit être tel qu’il permette de transférer au maximum le centre de gravité du corps vers le haut, c’est-à-dire vers les épaules. La mobilisation des membres supérieurs est donc essentielle pour permettre le soulèvement des membres inférieurs.

Pour que l’appui des mains permettre de produire un effet de levier maximal, il importe qu’elles soient très précisément placées c’est-à-dire ni trop avancées, ni excessivement maintenues en arrière. L’expérience et l’entrainement répété montrent que le placement optimal se situe dans la région du bassin. Le dessin figurant ci-dessous fait apparaitre un placement incorrect des mains : l’appui pris sur elles ne favorise aucunement le soulèvement des jambes.


Les coudes sont trop fléchis - l'appui sur les mains insuffisant -les jambes ne peuvent pleinement se soulever







Les coudes fléchis, on essaye de garder les épaules plaquées au sol. Toutefois, compte tenu du volume de la poitrine et de la sensation douloureuse qui pourrait résulter de sa compression au sol, les femmes veilleront à modérer leur effort. Quant aux hommes, pour lesquels cette difficulté ne se présente pas, ils veilleront scrupuleusement à conserver les épaules sur le tapis.

On rejette alors les deux épaules en arrière afin d’amener une forte contraction musculaire entre les omoplates.

On place enfin le menton au sol, ce qui incurve la région cervicale et contracte la musculature de cette zone.

Tout ceci constitue le placement préparatoire.


 ·         Entrer dans la posture
Ardha Shalabhasana - la demie Sauterelle
Pour entrer dans Ardha Shalabhasana, on soulève alors la jambe gauche du sol. Cette jambe doit être décollée, mais pas trop, pour permettre une mobilisation musculaire intense, sans être toutefois cause d’un épuisement prématuré. Cette jambe gauche est tendue. On s’abstiendra donc impérativement de la fléchir, ce qui demanderait, certes, moins d’efforts, mais réduirait considérablement les effets bénéfiques de la posture.

La jambe droite repose passivement au sol. Il importe donc de ne prendre aucun appui sur elle. On est pourtant redoutablement tenté de le faire en raison de notre conditionnement mental : esprit de compétition, souci de performance, croyance en la formule : «  plus c’est dur, plus ça doit être efficace ! ». Il nous faut donc être très vigilant pour ne pas céder à cette tentation.

Pour être certain de ne pas « tricher » on vérifiera que l’os du bassin demeure constamment plaqué au sol. En empêchant ainsi la crête iliaque gauche de décoller du tapis, on empêche le bassin de pivoter.

Parfois, certaines personnes décollent le pied droit de quelques centimètres du sol, tout en gardant la jambe tendue. Ceci est regrettable car on perd alors tout contraste de sensation entre la partie gauche, contractée, et la région droite, relâchée.

On demeure ensuite immobile et cette période constitue la phase statique de la posture. L’esprit se concentre alors sur la différence des sensations recueillies entre les parties droite et gauche du corps. Ce balayage s’effectue consciencieusement, en remontant lentement du bas vers le haut du corps : on passe ainsi en revue les muscles des mollets, des cuisses, puis des fessiers et de la région lombaire. Cet état des lieux attentif coupe court à la rumination des pensées ordinaires et permet ainsi de stabiliser l’esprit. Cette investigation permet aussi de mieux intégrer notre schéma corporel, c’est-à-dire la façon dont notre corps physique est constitué. Comme l’effort est modéré, l’esprit peut demeurer constamment sans tension, paisible. Le niveau de concentration peut encore être approfondi : on perçoit, et on intègre, l’évolution constante des sensations, la modification ininterrompue de tous les phénomènes.  

Garder une minute la posture de ce côté est excellent.

A chaque instant la respiration demeure normale, ample, régulée. Nous reviendrons sur l’importance déterminante de cette respiration qui conditionne l’obtention de nombreux bienfaits dans cette posture.

On repose ensuite la jambe au sol et on savoure la détente. Puis on procédera de façon symétrique en soulevant la jambe droite, et en laissant la jambe gauche reposer au sol, totalement détendue.

Ardha Shalabhasana produit des effets très proches de ceux de la posture complète. Cependant, comme la mobilisation musculaire y est particulièrement douce, l’adoption d’Ardha Shalabhasana permet de bien stabiliser l’esprit et de préparer les muscles au travail plus intense qui sera accompli dans la posture complète. La demi-posture est donc une pratique qu’il est recommandé d’effectuer avant de passer à Shalabhasana. Cependant, des pratiquants avancés pourront se dispenser d’elle.

3.       SHALABHASANA


·         La posture de base
La position de départ est exactement la même que pour Ardha Shalabhasana. Nous rappellerons toutefois un élément clef : les mains doivent être placées de telle façon que l’appui pris sur elles permette le transfert du centre de gravité du corps vers les épaules. Grâce à l’effort intense qui se trouve ainsi déployé, la poitrine et le menton se trouvent plaqués très vigoureusement au sol, à tel point qu’il devient alors impossible de décoller le menton du tapis.
Shalabhasana - posture complète


Ainsi installé, la musculature de l’arrière du corps se trouve vigoureusement contractée sur toute sa longueur, c’est-à-dire depuis la région cervicale jusqu’aux mollets, en passant par les omoplates, la région lombaire, les fessiers et l’arrière des cuisses.

Une fois le corps immobilisé, cette phase statique peut être utilement conservée une à deux minutes, selon les possibilités de chacun.

Bien sûr, plus les jambes seront soulevées et plus la musculature sera mise intensément à contribution, ce qui sera très fatigant. Mais, certaines personnes ont besoin d’un engagement physique très intense. On cherchera ainsi à dégager un compromis tel que la posture puisse être conservée totalement immobile suffisamment longtemps, tout en suscitant une contraction musculaire suffisamment puissante. Une grande liberté est donc laissée à chaque pratiquant pour lui permettre de moduler la posture à loisir.

On proscrira toute attitude violente consistant à vouloir monter les jambes le plus haut possible et le plus vite possible. On n’en recueillerait que des déconvenues. Plutôt qu’une attitude grossière et brutale, on préconisera une mobilisation consciente et progressive des différentes chaines musculaires de l’arrière du corps. Une telle approche paisible durant la phase dynamique permettra d’accentuer la stabilité de l’esprit durant toute la phase statique.

Enfin, quand on décidera de redescendre, on le fera sans à-coup, sans précipitation, en évitant tout écroulement physique ou mental. Une fois allongé on goutera le confort du repos , tout en gardant l’esprit attentif à tout ce qui continue d’évoluer, de se transformer en nous.
Variante avancée à laquelle il faudra peut être renoncer !


·         Les aménagements possibles
Nous avons décrit la posture traditionnelle, orthodoxe, l’attitude dont il est souhaitable de se rapprocher le plus possible. Cependant, compte tenu de nos capacités individuelles et de nos limitations propres, il est possible, dans certaines circonstances, d’apporter quelques aménagements à la référence classique. Bien sûr, ils atténueront les bienfaits de la posture, mais ce sera à la marge, sans en trahir les principes fondamentaux. Il ne s’agit donc pas d’être laxiste, et d’accepter des compromissions honteuses, mais simplement, dans un esprit universaliste, d’ouvrir au plus grand nombre l’accès à cette posture qui constitue un des piliers du Hatha Yoga.


·         En cas de lumbago ou de sciatique
Il est possible d’adopter Shalabhasana en cas de lumbago, voire de sciatique, ce que j’ai eu à faire il y a quelques années, pour mon plus grand bien, après un déplacement cahoteux dans le Sahara, à bord d’un car aux amortisseurs moribonds. C’est sans doute déroutant de recommander l’usage d’une telle posture dans ces conditions car on serait, de prime abord, précisément tenté de l’exclure absolument pour recouvrer la santé.

Bien sûr, si la variante aménagée qui vous est proposée ici n’est pas respectée scrupuleusement, on ne manquera pas d’aggraver le problème au lieu de le régler. Mais, ceci constitue la limite à laquelle on ne peut, hélas !, que se heurter : on ne peut pas faire grand-chose pour aider les personnes qui n’ont pas renoncé à la violence envers elles-mêmes : toute pratique susceptible de les soulager sera immanquablement tordue et retournée contre soi-même pour se blesser. Il n’est alors possible que de leur enjoindre, du fond du cœur, d’apprendre à se respecter et, peut-être, pour cela, d’aller consulter un psychologue avant de revenir paisiblement vers le Yoga.

Comment donc procéder avec Shalabhasana en cas de douleur lombaire? C’est lumineusement simple : on va faire comme si on voulait décoller les jambes, mais on va s’empêcher absolument de les soulever. A quoi bon alors recourir à cette posture, si c’est pour ne pas bouger ? Cela sert à mobiliser les muscles de l’arrière du corps, à les contracter pour qu’ils s’étoffent et que tout le dos soit ainsi protégé.

On est donc allongé à plat ventre, les bras placés le long du corps, tout l’arrière du corps tendu, roide. Vous avez déjà vu un chat à l’affut, fixant de l’œil un pigeon : son corps est à l’arrêt, pas même un poil ne bouge, tandis que tous les muscles de son corps sont mobilisés. On va donc imiter ce félin en adoptant Shalabhasana : totalement immobile, à plat ventre, sans aucun mouvement pour ne pas malmener le disque intervertébral qui a été endommagé, on demeure avec les fessiers et le dos contractés. D’ailleurs, quand on effectue ce travail, on sent que cela nous soulage. Et il n’y a rien d’étonnant à cela : le lumbago, la sciatique sont apparus suite à un mauvais mouvement, une torsion du tronc combinée à une flexion vers l’avant de la colonne. Mais ce mauvais mouvement n’aurait pu produire cette lésion du disque intervertébral si le dos avait été suffisamment musclé.

En prenant donc Shalabhasana aménagé, on va fortifier le dos et donc améliorer un des facteurs à l’origine de notre mal de dos.

Quand la douleur aura disparu il faudra se souvenir que les mêmes causes produiront inévitablement les mêmes effets et que, par conséquent, ce lumbago ne tardera pas à réapparaitre si le dos s’affaiblit de nouveau. Il conviendra alors d’adopter une variante douce de Shalabhasana, et cela durant toute la vie, à raison d’une à deux fois par semaine, pendant une quinzaine de minutes en tout. Ceci parait bien contraignant, mais quand on a bien souffert, qu’on est même resté paralysé quelque temps par la douleur et qu’on a éprouvé cet état misérable, on consent d’assez bon cœur à la discipline recommandée. Puisse mon expérience être utile à d’autres !

Pour se rétablir complètement de se mal de dos, on aura soin d’adopter aussi Pavana Muktasana (voir notre article consacré à cette posture) afin de renforcer la sangle abdominale, ce qui permettra de placer dorénavant le bassin correctement. Enfin, on veillera dans nos activités quotidiennes à garder la colonne bien droite, bien étirée, en adoptant les bonnes positions, ce qui nous donnera peut-être l’air altier d’un hidalgo, mais ce n’est pas très grave !

·         en cas de douleur cervicale
La posture traditionnelle suppose un appui sur le menton. Toutefois, si la région cervicale est sensible en raison d’une arthrose cervicale, d’un torticolis, ou d’un accident du type « coup du lapin », il est possible de ne prendre aucun appui sur le menton, voire même de déposer directement le front au sol afin de dégager totalement la zone cervicale. Certes, une telle liberté prise avec la posture classique limite un peu les bienfaits de celle-ci. Cependant, cet aménagement ne remet pas en cause les bienfaits qui découlent de la mobilisation des muscles dorsaux, lombaires, fessiers, ainsi que des ischio jambiers et du triceps sural.

·         En cas de gêne à l’épaule ou dans le membre supérieur
Si l’on souffre d’une douleur à l’épaule, dans le bras ou l’avant-bras, il est possible de se dispenser de la flexion des coudes et de l’appui sur les mains. Dans ce cas, on garde les bras passifs, allongés au sol, le long du corps. Un tel accommodement limitera le transfert du corps vers l’avant, mais sans contrarier la mobilisation musculaire à l’arrière du tronc et dans les membres inférieurs. Les Anglais recommandent sagement  de « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain », nous essaierons, tout aussi sagement, de sortir du dilemme « tout ou rien ».


4.       LES BIENFAITS DE LA POSTURE
Les effets bénéfiques de Shalabhasana sont nombreux et aisément perceptibles. Leur claire compréhension constituera un atout supplémentaire dans la mise en œuvre régulière de cet exercice qui constitue une des bases du Yoga.

·         La régénération du système nerveux
La posture dans sa forme classique conduit à une mobilisation généralisée de la musculature de tout l’arrière du corps, depuis la nuque jusqu’aux talons. Cette contraction musculaire produit un fort afflux de sang frais dans toutes ces régions. Or, l’ensemble de cette zone cervicale, dorsale et lombaire se trouve irriguée par le réseau des nerfs qui émergent de part et d’autre de la moelle épinière. C’est ainsi l’ensemble du système nerveux qui se trouve revitalisé, dans sa double composition sympathique et para sympathique grâce à cette posture.

Shalabhasana constitue ainsi un outil précieux pour éliminer les effets néfastes du stress qui nous affectent plus ou moins : burn out professionnel, troubles digestifs, douleurs dans les mâchoires ou les épaules, attaques de panique, insomnie, spasmophilie, mais aussi troubles mentaux tels que l’irritabilité, l’état dépressif, la nervosité, l’anxiété ou la difficulté à se concentrer. En recourant à cette posture vous n’allez pas perdre votre efficacité au travail, bien au contraire, vous disposerez de plus de ressources intérieures, de ressort, et les personnes de votre entourage pourront, auprès de vous, trouver un pôle de stabilité.

·         Renforcer la musculature de tout l’arrière du corps
Un muscle se développe, s’étoffe à condition d’être sollicité, contracté. Par conséquent, l’adoption régulière de Shalabhasana conduit au renforcement de la musculature de tout l’arrière du corps.  : celle de la région cervicale qui permet d’avoir un bon maintien de la tête, celle du dos, souvent malmenée par une vie sédentaire, mais aussi celle des fessiers, des ischio jambiers et des mollets, qui permet d’avoir une silhouette harmonieuse.

·         la revitalisation des viscères abdominaux
Comme nous l’avons indiqué, le soulèvement, même très limité, du bas du corps engendre un accroissement de la pression intra abdominale. La combinaison de ce phénomène avec le maintien d’une respiration ample, c’est-à-dire dans laquelle le diaphragme se trouve fortement mobilisé, favorise la circulation du sang veineux qui peut stagner dans l’abdomen et le bassin en raison d’un mode de vie trop statique. Ainsi, un sang fortement chargé en oxygène va pouvoir irriguer ces viscères et éviter le vieillissement prématuré de ces régions et leur nécrose.

Le maintien durant toute la posture, tant durant la phase dynamique que statique, d’une respiration correcte est donc primordial. Malheureusement, ceci est trop souvent négligé. Pour contrecarrer notre tendance spontanée à revenir vers la petite respiration superficielle et haletante il est nécessaire de cultiver la vigilance et donc, de garder un esprit concentré durant toute la posture. Bien sûr, les pratiquants débutants feront comme ils le peuvent. Mais, progressivement, au fil des semaines, puis des mois, ils sentiront leur pratique devenir plus profonde, plus consistante et ainsi chacun pourra progresser tout au long de son existence.

·         Effets énergétiques
Cette posture favorise l’activation de la Kundalini, l’énergie ensommeillée mais présente en tout être humain. Son activation sera favorisée par la contraction du périnée qui sera maintenue durant la phase statique de la posture.

 5.       CONTRE - INDICATIONS 
Nous avons décrit la posture classique accessible à toute personne en parfaite santé et présenté différents aménagements auxquels on peut recourir afin de concilier l’idéal avec nos capacités physiques et mentales du moment.

On perçoit ainsi que Shalabhasana est très largement accessible à condition, bien sûr, de ne pas se comporter comme un « kamikaze » prêt à sauter sur tout obstacle pour se faire mal.

Dans ces circonstances, est-il vraiment utile de rappeler que si vous souffrez d’un lumbago vous vous abstiendrez de soulever les jambes, sauf à vouloir rentrer chez vous à quatre pattes ou sur une civière? Faut-il souligner que si vous êtes au septième mois de votre grossesse vous trouverez sans doute que l’appui sur le ventre est douloureux et donc à proscrire ? Avec un peu de bon sens, et guidé par cet esprit de bienveillance qui doit vous servir constamment de boussole, vous parviendrez à éviter ces quelques écueils sur lesquels vous pourriez vous échouer.

CONCLUSION
Shalabhasana, et sa posture préparatoire, Ardha-Shalabhasana, pourront vous accompagner tout au long de votre vie, et leur pratique régulière vous aidera à prolonger longtemps votre existence. Grâce au calme mental que ces postures favorisent vos actions quotidiennes deviendront plus harmonieuses, plus bénéfiques et vous accumulerez ainsi de précieux mérites. Ainsi Shalabhasana, occupera une place de choix, véritablement irremplaçable, dans votre pratique du Hatha Yoga.

 

vendredi 6 juin 2025

LES YOGIS ET L'ALIMENTATION



Pour les Yogis, se nourrir constitue une pratique complète en soi. Les trois dimensions du Hatha Yoga - physique, énergétique et mentale - s’unissent ainsi dans l’action de se nourrir.
L’importance matérielle de la nourriture est bien connue de tous : elle sert à sustenter le corps. Là-dessus les préconisations des Yogis n’ont rien de très original et recoupent les conseils de diététique que l’on peut trouver dans les magazines modernes. Par contre, l’ aspect énergétique et l’importance du travail mental sont deux dimensions fondamentales de l’alimentation méconnues des Occidentaux . Aussi, nous nous y arrêterons plus longtemps.


1. Une alimentation simple pour rassasier le corps


Les considérations diététiques des Yogis sur l’alimentation sont assez maigres ! D'ailleurs, dans la mesure où ils vivent souvent d’aumônes et d’offrandes, ils seraient mal venus de faire la fine bouche, sauf à prendre le risque de ne plus rien recevoir !

Le menu d’un Yogi correspond donc au repas traditionnel d’un indien que l’on peut consommer de nos jours encore dans n’importe quelle gargote. Le " régime yogi " se compose ainsi ordinairement de dhal ( lentilles) et de produits laitiers qui fournissent les protéines, ces " bâtisseurs des tissus cellulaires ". Le Yogi trouve dans le riz et les galettes de farine ( chapati) les glucides qui vont apporter la chaleur à son organisme. Les graisses se trouvent dans le beurre clarifié ( ghee) et les huiles végétales qui accommodent le plat. Rien que de très ordinaire donc, d’ailleurs, vous le saviez déjà, les Yogis ouvrent rarement des restaurants !

Rappelons cependant un conseil toujours d’actualité pour nous : " A l'occasion d'un repas, remplissez votre estomac à moitié. Remplissez le troisième quart avec un verre d’eau. Et laissez le dernier quart vide pour les gaz ". Jacques Chaban-Delmas qui ne pratiquait pas le Yoga, ou alors en cachette, expliquait ainsi à un journaliste le secret de son étonnant dynamisme : " Je sors toujours de table en ayant encore faim ".

Signalons enfin que selon Swami Shivananda : " L’excès de nourriture surcharge l’estomac, rend la langue pâteuse et l’esprit capricieux ". Alors, à bon entendeur, salut !

Plus originale est l’importance reconnue par les Yogis à la nourriture, conçue comme source d’énergie ( Prana).


2 . La nourriture est une source précieuse d’énergie


Le Prana anime les être vivants. Que ce Prana soit présent en quantité insuffisante, qu’il soit mal distribué ou mal utilisé, et un problème de santé finira immanquablement par se manifester en nous.Les sources du Prana qu’absorbent les êtres humains sont diverses. Nous puisons essentiellement notre l’énergie dans l’air que nous inhalons, la nourriture et les boissons que nous ingérons, ainsi que dans le rayonnement solaire qu’absorbe notre peau ou encore dans les échanges que nous avons avec d’autres êtres : certaines personnes vous inspirent, vous donnent envie de faire de belles choses, tandis que d’autres vous pompent votre énergie ! Parmi cette diversité, la nourriture constitue indiscutablement une de nos principales sources d’énergie.

Tous les aliments ne constituent pas une source d’énergie. Les aliments frais sont chargés en Prana : légumes frais, pain frais, laitages frais... Par contre, ce qui est fermenté, congelé, mis en conserve, rassis ou mort est dépourvu de Prana. La viande animale est ainsi dépourvue d’énergie vitale, tout comme les boites de conserve, les fromages fermentés, le pain rassis. Les Yogis recommandent d’ailleurs de les jeter ! Que cela ne vous empêche toutefois pas de déguster un bon Roquefort, si vous l’appréciez; sachez simplement qu’il est dépourvu d’énergie vitale et qu’il vous faudra donc en trouver ailleurs. Dans la viande vous trouverez bien sûr des constituants chimiques, mais pas de Prana.

Pour vous dissader de consommer de la viande les Yogis complètent cet argument énergétique par une justification morale : les animaux sont rarement volontaires pour se rendre à l’abattoir ! Leur ôter la vie constitue donc un acte négatif qui alourdit le karma de celui qui les tue, ce dont tout mangeur de viande devrait se souvenir !

Le Prana est absorbé lorsque l’aliment se trouve sur la langue. Notre langue est ainsi un instrument d’absorption du Prana. Une pratique de purification traditionnelle consiste d’ailleurs à se placer au soleil la bouche grande ouverte afin de prendre un bain de soleil avec la bouche. Je vous la recommande chaudement, en évitant toutefois les guêpes ! A la différence des Occidentaux qui ne se soucie que de la propreté extérieure du corps, les Yogis s’assurent ainsi de leur propreté intérieure et les pratiques de purifications ( Criyas) ne manquent pas dans le Yoga.

Une fois l’aliment passé dans la gorge, l’organisme ne peut plus absorber le Prana. Bien sûr, le système digestif va décomposer ces aliments et en absorber les composants chimiques, mais ce travail d’assimilation se réduira à cela.

Afin d’absorber le maximum de Prana, les Yogis sont donc concentrés, recueillis et silencieux quand ils passent à table. Ils prennent aussi plaisir à cette nourriture qu’ils savourent et dégustent ainsi pleinement. Mais ils le font sans attachement.On considère que tant qu’un aliment a du goût, il recèle du Prana. Aussi les Yogis mastiquent - ils longtemps !

De ce fait, les Yogis ont rarement besoin de beaucoup manger. Ils allègent ainsi d’autant le travail digestif, grand consommateur d’énergie, et disposent de beaucoup plus de ressources pour réfléchir, méditer et agir .

Vous trouverez , sans doute, quelques Yogis épris d’austérités et de privations de toutes sortes. Cela n’est pas nécessairement le gage d’une grande évolution psychologique et spirituelle. Cette attitude repose sur la croyance – que nous avons longtemps connue en Occident - qu’il faut faire souffrir la chair pour élever l’esprit. Personnellement, je trouve cette croyance erronée et malsaine. Se garder des extrêmes, développer une attitude bienveillante et protectrice vis à vis de soi me paraissent des conditions nécessaires pour évoluer avec assurance.

Se nourrir correctement permet à notre énergie d’être harmonieusement distribuée dans notre corps subtil. Cette attitude protectrice est une phase nécessaire. Mais il est toutefois possible d’aller plus avant et de faire de l’acte de se nourrir une pratique mentale à part entière.


3. Faire de l’alimentation une véritable pratique mentale


La pratique mentale est une composante fondamentale du Hatha Yoga : c’est elle qui nous permettra de transformer progressivement notre esprit et d’aller vers plus de bonheur et de réalisation de soi.

Cette pratique peut se faire à différents niveaux.


Tout d’abord, il est important d’avoir du respect vis à vis de ce que l’on mange. Si on consomme de la viande il est ainsi bon d’avoir une pensée reconnaissante vis à vis de l’animal qui a donné son corps pour nous.
Manger s’est aussi se relier à l’univers entier. Si en prenant votre café le matin vous avez conscience que ses grains sont parvenus par bateau de Colombie et qu’il furent chargés à bord, dans des ballots, par de nombreux ouvriers et si vous vous souvenez que des agriculteurs se sont appliqués à en cueillir les grains sur les caféiers, cela donnera à votre dégustation une saveur spéciale, qui n’est pas simplement le goût du café. Vous vous sentirez alors relié au monde, aux autres. Vous éprouverez de la gratitude pour ce travail accompli et pour la générosité de la nature. Vous prendrez alors mieux conscience de votre place sur terre : vous êtes un élément d’un ensemble, un maillon d’une chaîne précieuse. Après un tel petit-déjeuner vous vous sentirez riche d’une expérience plus profonde et accomplirez sans doute de meilleures actions.


Une autre pratique consiste à imaginer que vous faites une offrande du repas que vous allez prendre à un être que vous reconnaissez comme supérieur ( une divinité ou un maître spirituel, tels que Jésus, le Bouddha ou Shiva,). Vous imaginez ensuite que cette offrande vous est redonnée et vous en concevez beaucoup de reconnaissance, de gratitude. Une fois ce repas pris, imaginez que l’énergie, le Prana irradie de vous et que vous le dispensez généreusement autour de vous. Imaginez que vous utilisez cette énergie pour accomplir des actes méritoires qui engendrent un karma positif, des actes qui allègent la souffrance d’autrui et qui ont pleinement du sens pour vous. Vous vous apercevrez que vous disposez alors du ressort nécessaire pour accomplir ces actions bénéfiques. Vous prendrez mieux conscience que votre vie dépend d’autrui et que vous êtes dans un échange permanent. Votre repas ne sera plus un acte égoïste. Vous vous sentirez vraiment bien, à votre place dans l’univers, en harmonie avec les autres êtres.
Voilà quelques exemples qui peuvent enrichir considérablement vos repas.


CONCLUSION


Les Yogis nous enseignent que notre corps est sacré. Pourtant, trop souvent nous le traitons comme une poubelle. Prendre parfois le temps de savourer, sans être trop attaché à ce que l’on mange, s'ouvrir au monde est une expérience qui pourra vous apporter santé, joie de vivre et harmonie intérieure.

Christian Ledain
christianledain@wanadoo.fr

COURS DE HATHA YOGA